La Cannonball « off » -
3° édition
Un ultra marin-copains-girondin
C’est l’histoire de 6 mecs, qui,
ce 17 mars 2018, avaient une envie plus forte que d’aller à Leroy Merlin, se
taper un steak-frites en famille, et regarder Galles-France. Leur RDV était
ailleurs, depuis longtemps dans le coin reptilien-runner de leur cortex
cérébral. La Pointe. Les Pointes. Celles de Grave et du Cap Ferret.
De retour sur l’aventure de la Cannonball,
cette histoire organisée en 2006 par Gérard Caupène. Le simple défi de relier
les 2 pointes par le plus court chemin. Laurent, alias Lloc Coll, invétéré
lécheur de bitume à la joie de vivre communicative, capable de vous embarquer
dans les paris les plus déraisonnables, a ravivé la flamme pour une 3° édition de son
« off ». Course sans organisation, sans matos obligatoire, sans
balisage, sans tarif, sans rien… La pureté de l’effort, juste accompagné du
ronronnement de l’océan, de la caresse du vent, du bruissement des pins, de
l’effleurement du bitume…et d’assistants pour te permettre quand même de
voyager léger et de te redonner un coup de boost quand au bout de 97 km ton
esprit n’est que tourné vers un bain de pieds et ta couette.
La Pointe de Grave, tourmentée, en majesté
(click sur photos pour agrandir)
7h30 : 6 mecs et 4
assistants se retrouvent à la pointe du jour. Laurent, Jean Luc, Manuel, Daniel,
Denis et bibi.
Manuel, Bibi, Denis, Jean-Luc, Lloc, Daniel
Avec juste le grain...de folie qu'il faut
Heureux come des gosses, excités comme des puces, frigorifiés
comme des M.Freeze. Bah ouais, mars, çà
reste l’époque des giboulées. Et les nuages autour n’annoncent rien qui vaille.
Tant et si bien qu’on est tentés d’avancer l’heure du départ pour se
réchauffer. 8h se pointe, on s’aligne !
Le départ, c'est à gauche messieurs
Donc, cette 3° édition du
« off » c’est un départ de la Pointe de Grave à 8h, pour 116 km (pour
ma part). J’aurais la chance de partir avec mon Denis, qui a terminé l’édition
2017 par des sentiers de traverse (130 km) alors que j’abandonnai au 62 km sous
le double joug d’une gastro et d’une tendinite. Pour ce retour de la revanche,
l’ami Ji-Pé n’a pas eu à être sollicité, il s’est d’amblée proposé, à fond dans
le projet. L’entraînement nocturno-pluvio-boueux de tout cet hiver me laisse présager
un état de forme plus altier que l’année dernière. Le parcours choisi est
simpliste : un marathon sableux via la beach jusqu’à Hourtin. De là plein
sud par les sentiers et la piste cyclable jusqu'à Cap. Je tire droit !
Tout çà entrecoupé de 15 points de rencontre avec Ji-Pé.
Cordouan, dans le vent
Pan, le grand manitou Llocc nous
libère sous les acclamations des assistants en folie…lol. Devant nous
l’immensité de l’océan et de la plage partant à l’infini. Seuls le majestueux
phare de Cordouan au loin et quelques vaillants goélands nous accompagnent sur
l’estran. Le vent, oui le vent lui aussi s’invite, bientôt cinglant d’une pluie
fine, salée, glaçante. La lumière paradisiaque de 2017 à vécu, faut vite se
mettre en tête que le Barbu là haut n’est pas là pour nous faire plaisir. Moi
je m’en tape, j’aime çà la rudesse, et je crois pas au barbu (sauf à la mienne,
de barbe).
1 km tous ensemble, puis doucement
le rythme de chacun se prend. Denis a des jambes, du coup nous précédons doucement.
On papote, on observe, on jouit, on vit. Les premiers 9,5 kil jusqu’à Soulac
sont ponctués de marques anthropiques, cicatrices de la guerre de 45. Il y a de quoi voir dans ces incongruités. De quoi
se mouiller les pieds aussi car la marée a encore laissé de l’humidité. Pas
grave, à Hourtin on changera les gommes.
Y a de la houle mon capitaine !
On avance à 10 km/h. L’immeuble Signal
à Soulac : bientôt cette verrue ne sera plus. Un coucou rapide aux
assistants arrivés juste à l’heure. RDV
plus loin pour récupérer les camel-backs. L’Amélie 13 kil, en 1h18. On les jette sur nos
épaules, une banane dans le gosier, tout va bien, sereins, on se prend un
grain, vent dans la gueule, faire le dos rond. La plage pour nous, immense,
tourmentée, les dunes arrachées, les routes et maisons défigurées…bien
fait ! Daniel nous rattrape, nous précède, puis nous recède un poil plus
loin. Chacun son rythme, chacun son chemin.
Si petits dans l'immensité océane
Kil 18,7 voici le Gurp en 1h52,
puis au kil 25,2 Montalivet que je n’ai pas reconnu, la plage dévastée. 2h34,
vitesse moyenne de 9,8 km/h. Pas dégueu malgré le sable parfois peu porteur. 2
minutes de pause, une orange, et on enchaîne. Faut pas déconner, pas envie de
se geler.
Vent de gueule, et dedout(s)
Plus loin l’érosion découvre la
marne, la roche mère, incongrue et magnifique, sur lesquels les trailers retrouvent
leurs sensations montagneuses. Juste après des arbres fossilisés apparaissent.
Plongée dans les méandres du temps. Les verrues bétonnées d’il y a 70 ans, même
taguées, sont supplantées par les vestiges préhistoriques.
Tout droit la plage ? Presque…çà
ondule un peu, autant que sur le plan horizontal que vertical. On aura peut-être
fait du 10 m D+ sur ce sable… ! Est-ce çà qui a entamé mon Denis ?
Non, je ne peux le croire. Il est juste fatigué, pas en canne, émoussé par la météo. Sa foulée se fait plus tassée, il
subit. Il était venu pour voir, faire un bout, grand ou petit, à mes côtés.
Denis, à la peine
Il
se pause au Pin Sec que nous atteignons en 3h57. Cette section de 12 km se
finit sous la pluie et dans le vent. Ji-Pé est à l’abri bien venu d’un blockhaus.
Denis rend les armes pour le moment. Je recharge le sac, m’enfile une banane et
zou…back in the wind. Je commence à être humide, je changerai tout à Hourtin.
Dernière section de ce marathon,
juste 6 kil jusqu’à là-bas. Seul, sur la plage... Pas longtemps… Un bruit
fuyant dans mon dos s’amplifie. Retournage étonné ! Putain le compère
Renard Eric est là, juché sur son destrier à 2 roues ! Mince quel
plaisir !!! Le goupil rusé nous a retrouvés malgré aucune information sur
notre parcours. Quelle belle surprise ! Emmitouflé il me tient la
convers’, légèrement en retrait pour ne pas me donner un faux rythme. C’est
chouette non ? Au loin devant, voici Ji-Pé, venu nous indiquer le chemin
de sortie. Au loin derrière 3 silhouettes. Les compères doivent avoir 1,5 kil
de retard. 12h40 pause à Hourtin beach. Le marathon sableux de 42,7 kil en 4h40
pile. 9,15 de moyenne avec les pauses, çà me va. Le trailer a damné les
lécheurs de bitume. J’étais sur mon terrain de jeu.
Allez, les jambes en l’air
pendant que les pâtes chauffent.
JIF = J'en In rien à Fout' !
Puis changement du haut et de pompes. Les
innov8 sablées cèdent aux Altra évasées. Je me la joue Antoine Guillon en
testant les patates douces. 8 minutes de retard pour les compères. Ca chambre,
çà rie, ça a envie. Je repars au bout de 12 sous les rires : « vas-y,
part faire le lièvre, on arrive… ». Je me doute bien que le souffle rauque
des 100 bornards va bientôt me lécher la nuque. Les gars vont caresser l’asphalte
pendant que mon pied va s’y écraser.
J'a nické les lécheurs de bitume 😆
Et c’est le cas, sur les premiers
500mètres mes pieds sont des bâtons. La transition du 9 mm au 0 drop se fait
sentir : je pose à plat, çà résonne dans tout le corps. Le temps de
m’adapter et me voilà à la maison forestière. Là, tout repart. La section
jusqu’à Carcans beach fait 17 kil, c’est la plus longue. Et elle est
magnifique : l’ancienne pise cyclable toute ténue se mêle à du sentier, au
milieu des pins et des dunes, des cabanes de chasseurs, toute en légères ondulations,
verdoyant…magnifique.
Eric m’accompagne à nouveau quelques
kilomètres puis fait demi-tour, retrouver sa maisonnée. Merci mon compère pour
cette surprise et ce partage. Je me trouve enfin seul. Je me dore la pilule au
soleil revenu sur un bon rythme. Le moment dans la course où tout va bien, tout
répond, tout fonctionne. Euphorie, portée par l’avance au chrono. Je croise l’assistance
de Manu venue à ma rencontre. On s’encourage. Je n’aurais vu personne d’autre.
Quel pied cette solitude ! Je me retourne dans les quelques lignes
droites : personne en visu…mais que font les routiers ? Ont-ils pris
une autre option de trace ?
Carcans beach approche, le chrono
m’affole : 6h33 pour 60 kilo pile. 9km/h de moyenne avec les pauses.
C'est-à-dire que je dois courir à 9,5 depuis le début. Je suis plus d’une heure
en avance sur mon prévisionnel. Et c’est con, mais j’ai dans ma tête l’idée que
çà va durer, y a des fois où on le sent çà. Je ne m’enflamme pas, je pose les
choses, je ne brûle aucune étape…mais je sens le truc venir… Là je suis sur une
base de 15h20, alors que 15h me paraissait un objectif….non, même pas un
objectif…juste impossible. Et puis cette sensation bizarre de ne pas voir les kilomètres
défiler, à l’inverse de l’ultra en montagne. J’ai « déjà » atteint
les 60 kil, alors qu’en montagne il ferait déjà bien nuit pour la même
distance. J’suis pas habitué à çà, çà va trop vite, et du coup çà rassure.
Fonctionner par étapes de 7/10 kil revient à 1h, alors qu’en montagne, ce n’est
pas les mêmes repères que j’utilise.
Je retrouve Denis et Ji-Pé qui
rallent de ne pas avoir le temps de faire la sieste. 10 minutes de pause pour
bien m’étirer et me restaurer. Il fait bien bon, je laisse ma veste et chausse
les sunglasses. Ah, les 50 premiers mètres sont durs à redémarrer : les adducteurs
commencent à siffler.
9 kil jusqu’au cimetière de
Lacanau Océan. Je retrouve une vraie piste cyclable, mais je m’efforce d’en
courir sur le côté stabilisé et non asphalté. Le bitume ce n’est pas bon pour
mes articulations. Tout droit, toujours. Je ne cours jamais avec un GPS, ni un cardio.
Pas besoin d’artifice pour apprécier ce que je fais. Je calcule juste mon temps
de section avec ma moyenne supposée. 9 kil = 1 heure. A 15 minutes je bois, à
30 je mange en marchant 1 minute dans une montée, à 45 je bois, à 60…bah j’suis
arrivé. C’est simple non ? Surmontable quand on est préparé, organisé,
mentalement calé.
Papi et mamie sur la
piste…huuummm çà sent la verrue de la côte girondine : je pénètre Lacanal’
par le nord et son cimetière, Ji-Pé venu a ma rencontre.
Le Renard sort du bois
Un coup de coca et
j’enchaine direct à traverser cette beurkville, vite saoulé par les 7 voitures
et 14 touristes que je vais croiser. Je tiens le rythme, mais je prends un
petit pet. Le chemin jusqu’au bout du parking de la plage sud est interminable
et la pluie m’y rattrape. Une rincée de plus dans la poire. Ca commence à tirer
dans les jambes…fallait bien aussi !
8h02 de course – kil 72.5. 9 de
moyenne. Ji-Pé a eu le nez creux, il s’est arrêté au « parking du
Renard » ! Il est, comme Denis, aux petits soins pour moi et répond
au plus vite à toutes mes envies (les plus alimentaires qui soient…coquins).
Patate douce (merci Antoine !), coca/eau, saucisson,
chiiiiipppppssss !!!!! Jambes en l’air pendant tout çà…pause nécessaire.
Ji-Pé n’a aucune nouvelle des autres compères. Qui est encore en course,
comment vont-ils, sont-ils devant (j’en doute car j’ai pas laissé beaucoup
de miettes) ?
Denis enfourche le VTT et va
m’accompagner. Ca tombe bougrement bien, car ce kil 72.5 me paraît
stratégique : il me reste un marathon pile poil. Je sais, je sens, que la
moyenne va chuter. J’ai 1h25 d’avance sur mon prévisio, c'est-à-dire une base
de 14h si je cours à 7 à l’heure avec les pauses à partir de maintenant. Mais
14h c’est juste inimaginable, çà me ferait rentrer dans le top 3 runners de la
Cannonball. Alors au moins, avec Denis à mes côtés, je vais avoir un peu de stabilité,
de repères. Même si je sais qu’on ne parlera pas beaucoup, il peut m’éviter de
m’enflammer et surtout de sombrer si d’un coup le physique ou le mental
déraille. Je le sais : le plus dur commence maintenant.
C’est parti pour 7 kil jusqu’à
« la Cantine Nord » du Porge. C’est parti…difficilement, car le
moteur doit se mettre en marche. Plus longtemps je m’arrête, plus difficile est
la remise en route…il va falloir que j’optimise au max les prochains ravitos.
Déjà que je ne trainais pas….
De suite surprise : une
piste cyclable qui fait deux lacets pour gravir une dune ! Nous sommes hilares
avec Denis. Je la joue « andorran », en coupant tout droit les mains
sur les cuisses J.
Derrière ca serpente en haut en bas, gauche droite. Mais j’ai l’impression que
çà monte bien plus que çà ne descend…Pas bon signe, çà veut dire que je
commence à subir. Mais je lâche rien, pas question de marcher autrement que
pour manger. Denis me valide au compteur une course entre 8,5 et 9,5. Merde, y
a quoi dans mon moteur ? C’est pas le steak-frites, verre de rouge et
fondant au chocolat avec les copains Arsatesien de jeudi quand même ?
« La Cantine » (puisqu’on
en parle) : 17h05, 9h05 de course et 80kil. 3 minutes de pause patate
douce. RDV à la Jenny à 6,5 kil. Ces petites sections sont nickels. Je sais que
je revois mon assistant dans une heure, je n’ai qu’à me focaliser sur çà, et
profiter de l’environnement. Ce n’est pas compliqué, mais mon esprit gamberge
au chrono final : dois-je m’autoriser à la pensée d’un chrono canon ou
dois-je me satisfaire du chrono de l’étape en cours ? Je vogue entre les
deux, sur des pensées instables. Je suis homme de chiffres et de repères, et je
ne peux m’empêche de calculer…ce qui court à ma perte quand je ne suis pas
bien. Allez, avance bourrique !
Le long parking du Gressier est
avalé, y a pas foule. Les panneaux
indicateurs de la piste cyclable s’emportent, perdant 4 kil de distance à 500
mètres d’intervalles. Ne pas s’en préoccuper : faire avec ses repères
calculés et recalculés. Au loin les premiers chalets de la Jenny. Ah la Jenny,
je me languissais de te retrouver. Ji-Pé nous accueille, habillé, à 18h03. Kil
86 en 10h03. Ca y est je suis passé à 7,5 à l’heure. Faut dire que j’ai du mal
à redémarrer et que je fais 2/3 pauses marchées en 1h.
Pit-stop express. Je repars par
la piste forestière, car je connais la piste cyclable sournoise ici, faite de
circonvolutions verticales qui me seraient peu appréciables à cette heure. Tout
plat apprécié sur du sable stabilisé, qui éloigne la monotonie goudronnée. Le
Grand Crohot est à 7 bornes. 7 bornes sur lesquels j’ai mes repères :
heureusement, car le temps me semble long. Pas d’impatience non, ni de dégoût,
encore moins de rallerie. Je sais pourquoi je suis là, j’en suis volontaire. Je
ne prends même pas sur moi. Je fais travailler la raison, j’apprends encore, à
chaque kilomètre, malgré les milliers déjà parcourus. Une expérience qui me
sera utile en septembre sur les chemins suisses, sur un autre défi.
Pas un mot entre moi et Denis sur
cette section, çà ne sert à rien. Il est là, à mes côtés, çà suffit. Tout comme
l’est mon Ji-Pé au Grand Crohot. Quelle abnégation pour lui aussi. Sacrifier
son samedi pour moi, pour en tirer quoi ? Le plaisir de l’inutile, le
renforcement de l’amitié, et puis sortir des sentiers battus…les montagnes
suisses en horizon lointain. Il m’annonce la victoire de Martin Foucade et
celles des filles en relais. Que je suis heureux pour Marie ! Des
nouvelles des « Cannonballer » : Jean-Luc aurait arrêté, vaincu
par un bidou récalcitrant. Manu aussi (pas assez dormi les nuits d’avant).
Laurent et Daniel toujours en course, derrière mais on ne sait où ?
Kil 93 à ce Grand Crohot, 11h03
de course. Je pense que je ne vais pas m’écrouler, donc ils ne devraient pas
rentrer sur moi. Putain, je n’aurais jamais cru être devant ! Devant, c’est 23 kilomètres encore. Une
paille, mais çà s’annonce tendu. Pour rentrer en 14h c’est du 7 de moyenne
passé : ce sera impossible. Mais je tiens à finir sous les 15h. Donc faut
pas se poser. Et puis les jambes n’aiment pas çà. Putain qu’il est dur de se
lever, de se remettre en branle ! Bien plus dur qu’en montagne. Là-haut on
récupère en marchant/montant. Ici, pas de répits…il faut toujours courir, sinon
les minutes défilent doubles, la moyenne s’effondre. J’ai rien à gagner, mais
je ne veux rien regretter, et continuer à apprendre.
Apprendre oui, mais là
j’appréhende. La section suivant de 9,5 kil me fait un poil peur. Ce n’est pas
la nuit qui arrive (elle est mon élément) ou le froid (j’ai rechaussé la
veste), mais je n’y ait pas de repère, et presque 10 kil d’un bloc ça travaille
le psycho. Mais Denis est avec moi, alors çà ira. J’espère que pour les 2
comparses en route çà passera aussi.
Je m’y lance, putain çà ne fait
que monter ! Hein Denis ? Il n’est pas d’accord. C’est donc çà, je
subis…je vais passer les 20 derniers kil à subir. Mais je me dis que je suis presque
au col avant la descente vers Ordino sur la Ronda, et que je ferai çà bien plus
vite…. Nuit sombre, pas un bruit, on ne croise aucune bête. Abnégation, marche,
course, relever la tête. « Je ne suis pas venu pour subir ». Panneaux
contradictoires : ne pas s’affoler, rester dans son truc. Halo des lumières
de Claouey dans les nuages…çà s’approche. Denis alterne vélo et course légèrement
devant moi. Putain çà me tire, c’est un sacré moteur. Enfin, on retrouve Ji-Pé
à la jonction de la route du Truc Vert. Ca y est ! Je sais où je suis, exactement
ce qu’il me reste à faire (ayant assisté ici Denis l’année dernière).
Les voitures qui passent par là ralentissent,
surprises de voir une voiture tout warning, un VTTésite et un traileur dans la
nuit, le crachin, le froid. Je réitère le rituel des étirements et de l’alimentation,
et redoute de repartir. Je vais prendre la route jusqu’à la D106, pour éviter les
zag et les zig de la piste cyclable. Mais
je sais qu’elle ondule. Faut déjà que je redémarre. Putain j’arrive pas
à lever les pieds, je fais de la marche rapide. Il faut 1 kil avant de vraiment
courir. Ji-Pé me suit avec les warnings, Denis à mes côtés sur le VTT. L’objet
de toutes les attentions, pleins phares ! Elle ondule cette route, je le
savais, mais je lâche rien, je marche au minimum. Une fois çà passé, c’est
gagné. Je serre les dents.
21h20 Jonction de la D106. 13h20
de course. Kil 107,3 il m’en reste un peu plus de 8. Rentrer sous les 14h30,
c’est maintenant possible. Mais ne pas s’affoler, maîtriser la bête. On lâchera
ce qu’il faut dans les derniers hectos. La piste cyclable avec l’écho de la
route pas loin. Les lumières orangées du Bassin dans les nuages…çà sent bon…
J’enquille, çà monte toujours…je tiens…sur ces 3,5 kil en 27 minutes. La moyenne
a chuté mais je tiens le bon bout. D’un coup, sortie de foret ! La
ville !!!! Des lumières aux maisons, du monde au balcon, la fête pas loin.
Et surtout, en face, le phare ! Sa lumière rouge, tant espérée. Voilà !
Un reste de banane à toute allure…et
à tout à l’heure mon Ji-Pé. Dernière section : 4,7 kil de routes au Cap
Ferret, à travers les 44 hectares. Un salut au phare, à son pied, et je
relance. Pas d’euphorie. Je me dis juste
que j’ai pas déconné, que j’ai crû et su assez vite que le corps allait
répondre, et que je n’ai pas laissé plus d’une heure dans les pauses. Le chrono
est dément, sachant que Laurent qui galope sacrément bien avait tapé un 15h03
l’année dernière. Le top 5 semble acquis pour moi. Alors, vous me connaissez,
je vais grappiller le max de temps.
Les derniers hectos me paraissent
loooongggs, mais au détour d’un virage voici Ji-Pé, seul. Personne d’autre. Dernière
(vraie) montée vers la rosace qui symbolise la pointe du Cap Ferret, Denis à
mes côtés ! Là je réalise, j’y suis ! Au bout du bout !!!
Ca, c'est fait !
Un cri, puis deux, puis le
chrono. 22h22 ! Putain j’ai mis 14h22, où je pensais rentrer en 17 avec un
planning prévisio à 16h22. De ouf’ !!!!
8,1 km/h de moyenne avec les pauses, soit 8,7 estimé en course pure. Bah
mon cochon, je pourrais jamais faire mieux ! Ce chrono est signé Denis et
Ji-Pé également, car sans eux je n’aurais pu tenir ce rythme. L’importance du
soutien logistique et psychologique a pris toute sa mesure sur cette course. Il
y a des détails à peaufiner, mais vous avez été très très bons les gars !
Merci pour çà, ce fut énorme !
Vite s’essuyer, se changer, avant
que les muscles ne tétanisent. Heureusement Ji-Pé et Denis sont là pour contrer
les assauts jumelés de ma « descente », du vent et de la pluie.
20 minutes plus tard les suiveurs
arrivent. Ils me félicitent gentiment. Ils ont des nouvelles des deux
acolytes : Daniel n’est pas très loin, Laurent a en gros 7 kil de retard.
Ils sont dans le dur (comme moi) depuis un moment. Manuel m’avoue avoir été flingué
par le marathon sur sable et une somnolence terrible. Daniel arrive en à
peine plus de 15h, en forme, puis Laurent en 15h22.
Laurent, embrasse sa rosace, abnégation
Tous éprouvés, mais heureux de se
retrouver sur la rosace. Heureux du chemin parcouru et de l’aventure vécue. De
se dire que l’on fait partie des 53 finishers de la Cannonball. Des types et
typesses qui ont répondu à l’appel des pointes, de cette côte sauvage et de
cette foret infinie. L’appel du sable à mater et du bitume à griffer. L’appel
du soi et du nous. De cette aventure qui ne sert à rien mais est un grand tout.
Comme m’a écrit une amie quelques
jours avent la course : « Tous
ces petits riens qui ne servent à rien, sont tout ce qui nous rend conscients
de la force de la vie. Vivez ce moment pleinement messieurs ! ».
Alors oui, j’ai vécu et in fine,
je n’y crois toujours pas, mais je signe le 4° temps de la Cannonball (meilleur
temps, en 2008 par Patrick Bruni, en 12h09 !!!! Un mec qui valait 8h à
8h30 sur 100 kil plat).
Merci Llocc pour ton grain de
folie, sans qui je n’aurais jamais vécu çà.
Merci mes trois comparses Ji-Pé,
Denis et Eric de m’avoir porté comme çà. Elle a toujours de la gueule cette
Team Fox putain !!!!
Et en plus çà a soigné ma crève !!! ;)
Finishers !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire