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(crédits photo : Ji-Pé - Anthony - Ma pomme)
(crédits photo : Ji-Pé - Anthony - Ma pomme)
Pourquoi ? Oui, pourquoi ?
Puisque la question nous revient
si souvent à nous autres ultra trailers j’y répondrai en termes de préambule.
Pourquoi s’engager dans la
première édition d’une course de 360 kilomètres et 25 000 m de D+/D- (oui,
3 allers-retours à l’Everest), en Suisse (9h de route aller), qui coûte 650 €
(juste les frais d’inscriptions), qui
bloque 10 jours de congés et dont on sait que l’on reviendra fatigué, blessé,
différent ?
Bah je vous répondrai :
pourquoi pas ? Simplement parce que la vie est faite de choix, de
personnalités différentes, d’envies les plus basiques comme les plus
folles…parce qu’il n’y a rien à comprendre, en fait.
Donc : pourquoi pas ?
Pourquoi pas filer en Suisse quand le tirage au sort du mythique TOR des Géants
n’a pas voulu de moi cette année. Et puis mes amis trailers Anthony et Apos qui
eux aussi se laisseraient tenter. Et l’ami Ji-Pé qui me propose direct de venir
m’assister si je m’inscris…
Mais le chantier mérite
réflexion, mes maximums étant à ce jour 170 kilomètres et 56h de course. Là il
s’agit d’autre chose, d’une autre dimension, d’une autre préparation mentale et
logistique (la prépa physique reste identique). Conscient que je vais passer dans
un « au-delà » je m’engage, non serein, mais hyper motivé.
Des jours et des nuits à ne
penser qu’à çà, des mois tournés vers la Suisse et les réseaux sociaux de la
course, et faire et défaire ses prévisions, préparations… Tout çà pour se dire,
se convaincre que c’est imaginable, possible, surmontable. Tout en sachant
pertinemment que là-haut tout sera défi et que tant d’éléments seront là pour
enrayer la machine.
« Ce n’est pas parce que c’est
difficile que l’on n’ose pas, mais c’est parce que l’on ose pas que c’est
difficile » - Sénèque, et validé par ma chère petite sœur dans le mur de
nos toilettes, a tout à fait raison.
Alors go !!! Et comme dit
Apos « sur un malentendu, çà peut passer… ».
Retrouvailles avec Apos ! 🙉
Oberwald – Canton du Valais –
Samedi 1° septembre 2018
Hier nous avons retrouvé Anthony,
mon ami trailer de Vendée au Bouveret sur la ligne d’arrivée. Nous avons
récupéré les dossards et signé une « déclaration de responsabilité
personnelle » stipulant « Je
me rends compte que la participation au Swiss Peaks Trails peut cacher des
dangers et un risque de blessure sérieux, qui pourraient même entraîner la
mort » (!). Malgré çà nous avons bien dormi.
Il nous faut aujourd’hui remonter en fourgon toute la vallée du Rhône jusque au
pied du glacier donnant source au fleuve, pour joindre le départ. 3h de
route déboussolantes. Tout d’abord par
le peu de charme de ce fond de vallée très anthropisé, mais surtout par la
pente des montagnes avoisinantes dont les cimes nous sont cachées dans un
diaphane brouillard. Déboussolant aussi car nous faisant mesurer la distance
qu’il nous faudra faire en sens inverse, à travers les montagnes, pour rallier
les deux extrémités du canton. Mais malgré, çà, après avoir pris possession de
notre chambre d’hôtel coquet partagée avec Maxime et Gilles, et retrouvé
d’autres kikoureurs et Denis Clerc (alias Zinzin Reporter) nous sommes
étonnement très sereins, sans aucune pression. Pourtant nous rêvons depuis des
mois à ces moments.
Pasta party du soir déroutante
elle aussi. Une quasi absence d’animation, très peu d’infos (ou alors
inaudibles) sur la course, pas de réel briefing. Un verre de vin à payer 3 € et
un verre d’eau gazeuse à 1 €, alors que 650 € ont été déboursés et que pour
l’instant un simple t-shirt a été offert en dotation… Nous nous posons tous de
plus en plus de question sur le niveau de l’organisation face à l’ampleur de
l’évènement.
Avant de me lancer dans la
dernière nuit « normale » avant longtemps, je déambule dans les
ruelles si typiques du petit village d’Obergesteln où nous logeons. Besoin de
m’imprégner du site, du grand frais, des odeurs et des couleurs. Nécessité de
rentrer dans l’élément dont je ferai partie ces prochains jours, de finir ma
prépa mentale…et de passer un dernier coup de fil à mes amours restés en
France.
Dimanche 2 septembre – Jour de départ
Une bonne nuit, une bonne
ambiance sereine de chambrée et un petit déj gargantuesque. Tout va bien !
Fin de préparation du sac de course et du sac qui nous suivra de base de vie en
base de vie. Toujours la peur d’oublier quelque chose, mais Anthony et moi aurons
l’immense chance d’être suivis et assistés par Ji-Pé qui pourra nous retrouver
à de nombreux points du parcours.
Retrouvailles avec Antho qui s’est
posé au camping au départ. Les messages affluent sur le portable à H-2. Le
soleil arrive enfin, nous réchauffant la couenne humidifiée ces dernières
48 heures. Si peu stressés que nous ne
voyons pas la montre tourner et arrivons sur la zone de départ juste 20 minutes
avant.
Zéro stress
Récupération des puces GPS pour un suivi "live" que j’ai abondement relayé
à mes proches et amis pour qu’ils puissent profiter de cette aventure. En
parallèle Laeti recevra mes S/MMS et pourra alimenter une page FB spécifique. Cette aventure, certes
très intérieure se doit d’être partagée. Tant pour remercier tous ceux qui
d’une façon ou d’une autre ont contribué à ce qu’elle devienne possible (ils se
reconnaîtront), que pour « démocratiser » ce challenge et le rendre
compréhensible à défaut d’accessible.
Tellement de personnes dans mon entourage ne pourront jamais voir ce que
nous verrons, pour des raisons très diverses. Je me dois de leur faire découvrir
ces endroits, car ils sont aussi un de mes moteurs à trouver l’abnégation d'aller au bout.
Etre conscient de la chance que
nous avons d’être ici. Je le dis et l’écris souvent. Mais aujourd’hui c’est
Antho qui me le rappelle à quelques minutes du départ. Nous sommes des privilégiés.
Privilégiés d’avoir les moyens financiers et physiques de se lancer là dedans,
alors il faut en être dignes. Certes il y a toujours un peu de valorisation de
l’ego à s’afficher sur les réseaux sociaux (même à écrire ce compte-rendu), je suis
honnête, mais il y a sincèrement une grande envie de partage et de conserver un
souvenir que nous savons déjà unique.
Sur la ligne ! Tellement en
retard que je n’ai pas pu encourager Apos ou d’autres kikoureurs. On se glisse
dans le milieu de peloton avec Antho, ne sachant pas vraiment où est notre place.
Nous savons que nous sommes entourés de pleins de « Géants »
(finishers du TOR), d’ultra-trailers de 23 nations différentes, d’hommes (295)
et de femmes (32) avec de grosses expériences, tous au moins finishers d’ultras
de 160 kilomètres. Mais nous sommes novices dans ce format et donc un poil
impressionnés.
13 h, le décompte s’égrène, sans aucune musique ou animation particulière (!), et le départ est donné aussi simplement que pour une course de quartier. Pourtant, devant nous, ce sont 360 kilomètres, 25 cols, 8 passages à près 3000 mètres et 5 à 7 jours de course qui s’ouvrent…
1° étape : Départ - Base
de vie 1 de Binntal : 56 kilomètres / 3900 D+ D-
C’est clair sur le profil du
parcours, il s’agit là du tour de chauffe. Cela a été dit et redit : sur
ces courses il faut partir avec le frein à main pendant 2 jours. Car en sus le
gros gros morceau de la SwissPeaks360 se trouve sur le 2° tiers de
course, entre les 113° et 240° kil. Malgré cela çà court quand même. Cet impétueux désir d’enfin lâcher la
pression et les chevaux. Pour ma part 10 jours sans courir c’est difficile,
alors le besoin de se dérouiller les jambes est là. Le passage des deux
premières "bosses" de 800 puis 900 D+ se feront donc en trottinant sur le plat et
les descentes, et en appuyant un poil dans les montées. A la queue le leu il
est parfois difficile de dépasser et parfois l’envie (inutile) de doubler les
plus lents se fait jour parmi la troupe. Il faut que chacun trouve sa place.
Nous côtoyons régulièrement Denis Clerc (alias Zinzin Reporter qui réalise de magnifiques reportages vidéo
« inside » de ses courses) avec qui nous avons échangé un peu hier
(je dinai à côté de lui) et ce matin sur le chemin. Nous le reverrons les 2
premiers jours, avant qu’il ne s’envole pour le reste de la course. C’est une
sacrée motivation de courir une course où il est inscrit, car si tout va bien
pour tous il nous offrira à l’arrivée les images de ce que nous avons vécu,
avec son talent de mise scène et de conteur d’émotions.
Pour l’instant tout va bien et
les paysages sont au rendez-vous, malgré les cimes bouchées. Le fond de la
vallée du Rhône, les glaciers environnants, les bois emplis de myrtilles et de
fraises des bois dont je me repais. Antho et moi-même sommes très étonnés du
silence qui règne dans les rangs. Très peu d’échange de paroles, de rires, de
contacts pour l’instant. Une ambiance feutrée, presque monacale. Est-ce de la
concentration, du stress, déjà de l’introspection ? Nous n’avons encore
jamais ressenti cela, ce qui donne une autre dimension à la course.
Le départ, vu d'en haut - Glacier au loin
Le 1° ravito en bas, dans la haute vallée du Rhône
Nous retrouvons Ji-Pé à Ulrichen
au premier ravito, pris d’assaut, après 2 heures de course. Stop express
en compagnie de Maxime le Suisse, tout va bien.
Déjà quelques petits soucis de balisage, certains
concurrents arrivant en sens inverse.2° bosse de 900 D+ avec toujours des vues sympathiques et du monde. Dans la descente vers le 2° ravito nous croisons une famille suisse qui nous demande où nous allons. Nous leurs répondons : pas certains qu’ils nous aient crus…
"Fais moi un truc de fou"(Ji-Pé)
2° ravito au km 27, à la chapelle
de Reckingen, après exactement 5 heures de course. Pause un peu plus longue afin
de s’alimenter comme il faut, se poudrer les pieds au talc pour éviter les
ampoules, se crémer les parties pour éviter les frottements, se mettre les
jambes en l’air pour éviter les œdèmes, s’étirer pour éviter les
courbatures…plein de détails qu’il faut penser à réitérer tout au long de la
progression afin de préserver au mieux la machine et d’aborder plus sereinement
la partie qui vient ensuite. Ji-Pé est d’une aide précieuse pour nous éviter de
perdre du temps ou des forces inutilement. Déjà un abandon ici. Comme je serai
triste d’avoir fait tout cela pour arrêter si vite… Ji-Pé et d’autres assistants
nous racontent avoir vu un trailer bien avant nous allumer sa clope au ravito
et repartir en fumant ! Scène hallucinante !
Départ pour Chummerfugge
Nous voilà repartis pour la
première vraie ascension : 1310 D+ vers le col de Chummerfugge en 7,6 km.
En mode rando, j’ouvre les yeux sur ce qui m’entoure. Avec Antho on s’ouvre
l’un à l’autre, se contant nos vies. Nous allons en théorie passer au moins un jour
et demi ensemble alors nous nous livrons un peu, et il est certain que nous
nous ressemblons beaucoup dans notre approche de l’ultra. Il est très rassurant
tant pour nous que pour nos proches de nous savoir ensemble, ce d’autant plus
que ma balise GPS ne semble pas fonctionnner.
Pente douce au début, qui s’accentue
réellement au fond du vallon.
On attaque enfin la vraie montagne
On double un gars sans bâtons, quel défi !
Il nous semble impossible de réaliser cette course sans eux tant ils sont une
aide précieuse en descente comme en montée, ou pour éloigner les vaches qui se
présentent à nous en troupeau au milieu du chemin. Là, dans cet étroit passage
on ne fait pas les malins, mais elles finissent par s’écarter. Cette montée
minérale commence à mettre à mal les organismes. Nous montons à 2658 mètres, et
nous ne sommes pas encore adaptés à l’altitude. Le pas se fait donc lent, le souffle
court, la tête qui tambourine. Un classique pour moi, soigné avec un Dafalgan.
La seule prise de la course mais qui me permet de m’adapter.
La nuit et le froid nous cueillent
au col. Frontale et coupe-vent de mise, nous basculons dans la descente de 900
D- vers Chaserttat. Descente régulière et douce sur un grand plateau dans un
brouillard vite dense. Le balisage n’est pas assez intense et nombreux trailers
hésitent. Nous les rattrapons par flots, aidés par ma frontale très puissante (merci Eric),
mon sens de l’orientation (j’avais bien étudié la carte avant) et surtout la
trace GPS de Jacques (du 06) qui nous recale très justement. Nous amenons une vingtaine
de gars dans nos baskets, mais comme notre rythme est décidé certains lâchent.
Le désarroi se fait sentir chez quelques-uns. Certains se seront d’ailleurs
perdus près d’une heure pour retrouver la trace, d’autres sont partis sur un
autre vallon en shuntant involontairement le ravito d’après. Pourtant le
brouillard était annoncé, il faut toujours renforcer le balisage aux alentours
des points hauts...
Ravito de Chaserttat aux
alentours de 23h. On prend le temps de faire le plein de tout. Antho repart
avant moi, je suis un plus rapide dans les descentes. Déjà des gars bien
émoussés ou sous les mains des médecins. Les jambes tirent de mon côté, mais
les pieds sont OK et le moral aussi.
Départ pour le col d’Eggerhorn à
2450 m, tout d’abord par une petite descente puis une belle montée. Spectacle
du train des frontales dans la montagne. Le peloton du milieu où nous sommes
est encore dense. Je reviens doucement sur Antho mais n’arrive pas à faire la
jonction. Un petit coup de mou. Je reviens sur lui dans la descente, peu technique.
Antho n’aime pas courir de nuit en descente. Mais quand il marche il va bien
vite. Du coup je passe mon temps à alterner course et marche pour ne pas me
faire larguer. Je fais du fractionné sur un 360 kil !!! Mais il est comme
moi, il adore progresser de nuit.
Descente assez raide vers Binntal
et sa première base de vie, au kil 56. Une base de vie est un endroit
stratégique dans une course. Elle permet de retrouver son sac suiveur avec ses
affaires de rechange, de se laver, manger, se réparer, dormir et repartir
serein. La première est autant attendue qu’embouteillée généralement. Et là,
nous n’allons pas être déçus !
Après avoir réveillé Ji-Pé qui prenait de l’avance dodo dans le camion (le bougre) et observé des gars dormant dans des duvets dans le soubassement des maisons typiques du canton, nous entrons effarés dans la BV. Un capharnaüm impossible dans cette caserne de pompiers. L’emprise de la disposition des sacs base de vie est importante, et les quelques pièces et couloirs qu’il reste sont bondés, inorganisés au possible. On dirait la retraite de l’armée napoléonienne pendant la campagne de Russie. Impossible d’avoir un espace vital pour s’assoir, les douches sont déjà bien sales et froides, incommodes (il n’y en a que deux), les toilettes squattées par des trailers pour se changer, les tables de repas jonchées de détritus que les trailers ne daignent même pas mettre à la poubelle. Incroyable !
La déception et la tension sont grandes. Je m’embrouille même avec un trailer sur qui je renverse quelques gouttes de coca en ouvrant une bouteille qui venait de tomber (je n’en savais rien). Vite filer d’ici, et retrouver du calme. Nous n’avions pas prévu de dormi avec Antho, et cela tombe bien. Ji-Pé nous aide au mieux mais il est difficile aussi pour lui de trouver sa place. Tout le monde se gêne.
Après avoir réveillé Ji-Pé qui prenait de l’avance dodo dans le camion (le bougre) et observé des gars dormant dans des duvets dans le soubassement des maisons typiques du canton, nous entrons effarés dans la BV. Un capharnaüm impossible dans cette caserne de pompiers. L’emprise de la disposition des sacs base de vie est importante, et les quelques pièces et couloirs qu’il reste sont bondés, inorganisés au possible. On dirait la retraite de l’armée napoléonienne pendant la campagne de Russie. Impossible d’avoir un espace vital pour s’assoir, les douches sont déjà bien sales et froides, incommodes (il n’y en a que deux), les toilettes squattées par des trailers pour se changer, les tables de repas jonchées de détritus que les trailers ne daignent même pas mettre à la poubelle. Incroyable !
La déception et la tension sont grandes. Je m’embrouille même avec un trailer sur qui je renverse quelques gouttes de coca en ouvrant une bouteille qui venait de tomber (je n’en savais rien). Vite filer d’ici, et retrouver du calme. Nous n’avions pas prévu de dormi avec Antho, et cela tombe bien. Ji-Pé nous aide au mieux mais il est difficile aussi pour lui de trouver sa place. Tout le monde se gêne.
2° étape : BV 1 Binntal –
BV 2 Eisten : 57 kil / 3300 D+ D-
Nous repartons à 2h35 du mat’,
après 1h10 d’arrêt. Nous voilà enfin un peu seuls dans l’attaque du
Safflischpass où nous retrouvons vite Maxime le Suisse. Lui est son ami Alex ont
une tactique particulière. Dormir chaque nuit (sauf la première) de 6 à 8h dans
un hôtel sur le chemin, pour prendre un bon repos et galoper comme il faut
ensuite. Original et intéressant à suivre. Ca monte longtemps et bien dans ce
col, il faut se taper 1300 m D+ pour arriver à 2560 mètres. Sur la fin Antho
part un peu devant, et je reste avec Maxime qui a un coup de mou pour
l’accompagner au col qu’on ne voit jamais arriver. Les gants Gore-Tex
imperméables achetés récemment sont indispensables pour ne pas être saisi de
froid aux doigts. Pour le haut le petit coupe-vent offert au raid PPA 2017 est
d’une terrible efficacité, couplé à un bon bonnet. L’aube va commencer à
pointer le bout du nez et la température ressentie est en dessous de zéro.
Je me sens des jambes dans la descente
roulante et rejoint Antho au moment où les rayons bleutés de l’aube
apparaissent. Autour de nous spectacle majestueux des Alpes enneigées et des
glaciers éternels au loin. Arrivée au ravito de Fleschbode à 6h40 ce lundi, accueillis
par un bénévole sympa qui aide tout le monde au mieux. Le bouillon fait du
bien, comme le fromage et le saucisson dont nous ne sommes pas encore lassés.
De là démarre une section quasi
plate nous menant au col de Simplon. Quasi plate mais où tout le monde s’est
planté dans la difficulté et la vitesse de progression. Section très jolie mais
très irrégulière et cassante, avec un balisage fait dans le sens de la montée
qui aura raison de certains d’entre nous (fanions cachés derrière des rochers ou
en sortie de courbe). 4h pour faire 15 kil…et perdre pas mal d’énergie.
Pause à Bortelhütten
Plat mais cassant
La fin
de progression en marchant sur le paravalanche protégeant la route est
original, mais c’est cassés que nous arrivons au Simplonpass. Là la déception
est grande pour beaucoup à ce petit ravito n’offrant aucune possibilité de
dormir. Heureusement un pot de Nutella ravit les papilles. Il est 10h40, pas
encore une journée de course, et certains esprits s’échauffent sur la légèreté
de l’organisation (manque de diversité aux ravitos, manque de lits, problème de
balisage, première base de vie innommable, suivi GPS défaillant…). Heureusement
je peux rassurer Laeti via le portable et nous faire aider de Ji-Pé. Cela évite
de focaliser sur cet aspect négatif qui peut altérer le moral.
Vue depuis Simplonpass
Nous n’avions pas prévu de dormir si tôt, mais cela nous est nécessaire pour effacer cette section qui nous a touchés, et repartir du bon pied. 1h de sieste dans le camion, c’est du luxe !
88 kil faits dans cette première
journée de course. C’est beaucoup mais nous étions sur la partie la moins difficile.
Nous savons pertinemment que le rythme devra se réduire ensuite, et que tout se
joue dans la bascule vers le 4° jour, après 3 nuits passées dehors. Pour l’instant nous ne comptons pas du tout les
kilomètres, mais prenons les sections comme elles viennent, car il ne sert rien de se projeter si tôt. Moi je sais que
mes étapes psycho seront les kil 100, 170 (record), 200, 260 (reste 100), puis
300.
Côté pieds çà va. Juste une
petite ampoule que j’ai vite percée et strappée. Je cours en chaussures à pied
large (Topo Terraventure et Altra Lone Peak) qui m’offrent un grand confort dans
ces distances où les pieds gonflent vite.
Allez zou, on redécolle vers le
Bistinepass à 6 kil et 560 D+. Progression facile et paysages somptueux. La
météo nous gâte et devrait tenir au moins jusqu’à mercredi soir. Nous
retrouvons Jacques dans cette partie, et basculons ensemble dans un vallon pour
remonter au Gibidumpass et trouver le ravito de Giw.
Regard vers Gibidumpass
Chouette ravito, dans un beau cadre, où je retrouve « L’écureuil », un autre Kikoureur. Je laisse filer Antho tranquillou et prend le temps d’une pause en savourant le paysage. L’étape suivante en cette fin d’aprèm est un 11 kil de 340 D+ (au début) et 1200 D- (à la fin) jusqu’à la 2° base de vie d’Eisten. Et 1200 D-, après plus d’un jour de course, çà commence à faire mal aux quadriceps. Très jolie progression dans une belle foret ponctuée de myriades de cèpes (comme depuis le début) de myrtilles et fraises de bois. Je suis seul souvent, enfin, ce que je cherche dans ces courses. La solitude qui permet l’introspection, la communion avec la montagne et ce qui la compose, avec notre esprit qui déambule entre faire le point sur notre état de forme et jouir des paysages. Ce moment de la course où l’on est pas encore trop « tapé » et pleinement heureux d’être là. Le pied quoi !
Village dans la descente vers Eisten
Je rattrape Jacques, puis le
quitte le temps de faire des photos et d’envoyer des MMS à Laeti pour qu’elle
en profite elle aussi. Certains hameaux typiquement suisses sont adorables et suscitent
notre émerveillement. Le panorama alpin est grandiose. La descente finale vers
Eisten est très pentue. Il convient d’y progresser doucement afin de ne pas
s’exposer à la chute, ni trop solliciter les frottements dans les chaussures et
abimer les pieds. Je rejoins Antho à 1 kil de la BV et sommes bien heureux d’y
retrouver Ji-Pé à 18h30 (km 113 et 29h30 de course).
Rencontre "locale"
Arrivée à Eisten, déterminés
Cette BV a meilleure tournure,
vaste et bien organisée. Les bénévoles aux petits soins, le repas de pâtes bien
satisfaisant. Mon organisation dans une BV se fait comme suit : brancher
les recharges téléphone et frontale, boire et manger un bout, s’étirer et filer
sous la douche, se faire masser (mais aucun masseur ni podologue à l’horizon
depuis le départ…), se changer, refaire le plein de tout, remanger et boire, et
repartir… Simple non, mais çà nous prend tout de même 1h15 sur le coup, en
croisant Zinzin qui va bien et d’autres comparses. Toujours pas décidés à dormir
(toujours très compliqué dans les BV à cause du bruit) nous préférons repartir
et envisager çà à la fin de la prochaine section à Grächen. Et autant vous dire
qu’on a eu le nez creux.
3° étape : BV 2 Eisten –
BV 3 Zinal : 45 kil – 4100 D+ D-
Ragaillardis nous partons à l’assaut
du passage Hannigalp. A l’assaut est bien le mot. J’adore les cartes et j’ai
bien analysé en amont celles de la course, mais là je n’ai rien vu venir. La
montée vers le passage est un délire entre le droit dans la pente à l’andoranne
(qu’on avait déjà pu remarquer sur quelques sections avants), le travers/dévers
avec du vide à côté, et le fraye-toi-un-chemin-comme-tu-peux dans les cailloux.
Un truc qui nous saute à la gorge, nous surprend et nous tape sévère. Premiers
signes d’énervement pour moi qui n’en vois pas le bout. Je sors ma carte pour me
situer et suis déconfit de la lenteur de progression. Des trailers nous
dépassent. Sommes nous à la ramasse ou sont-ce eux qui déploient une énergie
démesurée ?
On transpire, on ahane, on peste…on « négative ». Et
on se demande ce que cette section peut bien venir faire dans un
ultra-trail…(et ce n’est qu’un début). M’enfin, à quelques encablures d’une
crête désespérément enfin atteinte, le bonheur est au bord du chemin. J’entends
un « crac » sourd, qui malgré mon état de fatigue m’indique qu’il ne
s’agit pas de l’écureuil du coin. Je tourne la tête et dans le halo de ma frontale, à 10 mètres, passe
majestueusement un beau bouquetin bien couillu. J’en reste coi, et me dit que
ma course est déjà réussie. Topissime !
On bascule au col, marqué par une église aux murs transparents d’un plus bel effet qui donne envie d’y pénétrer
pour ronquer sur ses bancs. Mais à 540m D- plus loin nous attend Ji-Pé, alors
nous filons sur une piste carrossable venant opportunément remettre nos
quadris, mollets et pieds dans une humeur plus apaisée.
Grächen zum See, grand hôtel posé
au bord d’un petit lac au kil 123. Il est 23h15 en cette fin de lundi. C’est
fourbus que nous éclairons Ji-Pé en train de se la couler douce dans le camion.
Besoin d’un gros somme, mais d’abord de manger et de s’étirer dans l’humidité et
le frimas d’un brouillard naissant. Effort difficile à faire mais nécessaire
avant de coincer de partout.
Lassés des ravitos pas très variés que l’on nous
propose, nous avons demandé à Ji-Pé de nous trouver des sandwichs au poulet
pleins de mayo, et yaourts au chocolat. Et bien autant vous dire que le bonheur
est simple comme quelques francs suisses. Entre cette légère bombance, et la
satisfaction d’avoir tactiquement préféré dormir après la BV et surtout après
cette difficulté et juste avant l’énoooorme qui nous attend, le moral est
reboosté. On s’installe donc dans le camion pour un sommeil profond de 3
heures.
3h10 du mat’ en ce mardi. Ca y
est on bascule dans le 3° jour de course, après 2 nuits passées dehors. Bref
passage au ravito où le tenancier semble peu s’intéresser à ce qui se passe
autour de lui. Certains dorment sur les tables. Autant repartir
« frais » d’ici, car chacun sait qu’il va se lancer dans le 2° tiers
le plus difficile du parcours. Entre le km 123 et le km 241 se sont 7 passages
à près de 3000 mètres et des pentes très prononcées en montée comme en descente
qui nous attendent. Le rythme va s’essouffler, les organismes marquer le coup.
Une grande partie de son avenir en course se joue à partir d’ici.
Nous descendons jusqu’au fond de
vallée à St Niklaus traversant ces petites bourgades touristiques aux rues complètement
silencieuses à cette heure, mis à part un radar qui nous flashe à...5 km/h ! Ji-Pé nous passe pour joindre la prochaine étape,
dans son périple de plus de 800 kilomètres d’assistance. Quel chantier pour lui
aussi d’être à l’heure aux RDVs, alerte pour nous assister, et gérer son sommeil en fonction de notre
progression !
Plus envie de courir même dans ces descentes sur bitume. Nous sommes passés en mode rando, la course serait potentiellement trop sollicitante pour nos muscles.
Plus envie de courir même dans ces descentes sur bitume. Nous sommes passés en mode rando, la course serait potentiellement trop sollicitante pour nos muscles.
Nous voilà au pied de la plus
longue ascension du parcours : un 1800 D+ qui va nous mener à
l’Augstbordpass et ses 2900m d’altitude.
Une belle bavante coupée en son milieu par une halte au village isolé de
Jungu. Nous retrouvons Jacques et Maxime au début de progression. Nous allons
rester unis dans l’effort. La pente est vite très forte, ne laissant aucun répit,
ponctuée de calvaires dont l’on se demande quel courageux pèlerin peut bien honorer.
Les coups de mou se font chez les uns ou les autres et nous nous accordons régulièrement
quelques pauses « souffle » de quelques secondes.
L’aube commence à poindre à quelques encablures de Jungu, village ancien seulement relié à St Niklaus par un funiculaire privé. Petit hameau d’une quinzaine de chalets/fermettes qui émerge du bois. Surprise au ravito à l’un d’entre eux, l’accès à l’intérieur nous est refusé. L’un des deux bénévoles, austère et rond comme une huitre, refuse avec véhémence et parfois usage de la force l’accès à la douceur de son micro foyer ! Nous sommes tous contraints de prendre le ravito dans le froid glacial dehors. Ceux qui comptent se réchauffer ou se reposer là sont déconfits, sachant que la prochaine halte à l’abri est encore bien bien loin. Situation incompréhensible dans une course d’une telle difficulté, où ne pas permettre aux coureurs de se reposer régulièrement hors BV les met réellement en danger.
L’aube commence à poindre à quelques encablures de Jungu, village ancien seulement relié à St Niklaus par un funiculaire privé. Petit hameau d’une quinzaine de chalets/fermettes qui émerge du bois. Surprise au ravito à l’un d’entre eux, l’accès à l’intérieur nous est refusé. L’un des deux bénévoles, austère et rond comme une huitre, refuse avec véhémence et parfois usage de la force l’accès à la douceur de son micro foyer ! Nous sommes tous contraints de prendre le ravito dans le froid glacial dehors. Ceux qui comptent se réchauffer ou se reposer là sont déconfits, sachant que la prochaine halte à l’abri est encore bien bien loin. Situation incompréhensible dans une course d’une telle difficulté, où ne pas permettre aux coureurs de se reposer régulièrement hors BV les met réellement en danger.
Je veux récupérer mon sac mais un concurrent
allemand m’interpelle : fatigué il s’est assis sur ma frontale posée
contre mon sac ! La patte de maintien de la lumière est cassée, elle ne
tient plus en place. Il est désolé et veut me prêter sa frontale de rechange.
Cela arrive, j’aurai du la ranger mieux. Heureusement le jour va se lever incessamment et je me servirai de celle de rechange pour la suite. Nous
repartons tous les 4 mais Maxime ne retrouve plus ses bâtons. Un concurrent est
parti avec. Le temps de faire le point avec tous les autres nous retrouvons ceux
laissés sur site. A quelques centaines de mètres Maxime retrouvera le même
allemand qui se confond à nouveau en excuses...et lui rend ses bâtons.
Quelques dizaines de minutes plus
tard nous sortons à nouveau de la foret pour pénétrer un pierrier, et là, le
spectacle commence… Dans notre dos le soleil se lève au dessus des glaciers. Nous
sommes en pamoison devant ce spectacle que nous sommes tous venus chercher. Le pourquoi
de notre passion s’offre à nouveau à nous. Ce plaisir inégalable de se trouver seuls
dans une nature majestueuse et un lever de soleil flamboyant. Les téléphones
sont de sortie et mitraillent, tant le spectacle que nos visages éclairés de bonheur.
Jacques - Anthony - Maxime
Des larmes coulent à mes yeux : la fatigue et l’émotion combinées. Je
pense à mes proches à qui je dois tout cela. C’est réellement merveilleux,
pendant 30 minutes un spectacle inoubliable….avant de basculer dans un versant
lui pas encore exposé au soleil, mais à un tout autre élément naturel bien plus
sournois…
Le gel ! Il a gelé ici cette
nuit, et celui-ci recouvre les pierres de cet immense amoncellement de blocs et
pierres qui doit nous mener jusqu’au col. Les sourires font donc place aux
grimaces quand il s’agit d’être délicat au posé de chaque pas. Les bâtons ne
sont pas de trop mais malgré cela les glissades fréquentes. Poser les mains est
parfois plus rassurant. Cela va durer près d’une heure avant de retrouver un
chemin moins exposé jusqu’au col (2891m). A celui-ci Jacques ne prend pas
l’option « pizza au prochain ravito » si il montait au 3000 juste à
côté.
La vue est splendide des deux côtés. Sous un doux soleil qui nous
réchauffe nous prenons le temps d’avaler quelques friandises. En plus des aliments
que je récupère aux ravitos j’ai pour ma part avec moi des compotes en tube ou
des bonbons Haribo, que j’alterne avec le saucisson et le fromage, au gré des
envies.
La fin de la montée
Le col à 2 891 mètres
Le début de la descente, on sera en face tout à l'heure
Maintenant c’est une descente de
1100 D- et 6,6 kil qui se présente jusqu’à Blüomatt. Assez raide et cassante au
début je vais y perdre le contact avec Antho, Jacques et Maxime. La partie médiane
plus roulante ne m’est pas plus favorable car j’accuse un coup de mou. En sus
depuis cette nuit je commence à avoir mal au bide, ce qui a chacun de mes pas
en descente me fait mal à l’estomac. Pas aisé de courir…je vais prendre un
Spasfon au prochain ravito. La partie finale dans les bois à nouveau très raide
me mène au charmant village de Gruben dans lequel j’ai encore un peu la force
de courir.
Gruben
Les muscles vont globalement bien, même si les cuisses et mollets
sont très sollicités dans les descentes et les montées, de façon différente à
chaque fois. Par contre les pieds commencent à chauffer à chaque pas, car ils supportent,
outre notre poids, tous les aléas du terrain par des compressions et
frottements. Faire attention où on les pose est donc essentiel, comme les surveiller
et les entretenir à chaque arrêt.
Peu avant Blüommatt je rejoins
enfin Antho et Jacques. Nous voilà sous le soleil dans cette magnifique petite
vallée enchâssée du Valais germanophone. A nouveau un environnement incroyable.
Le ravito a pris place dans une fromagerie, c'est-à-dire un élevage bovin qui
produit lui-même son fromage. Nous sommes superbement accueillis à 11h10 ce
mardi par les propriétaires qui font office de bénévoles. Ravito classique
(qu’ils nous avouent avoir complété par leurs soins car ils n’avaient déjà plus
assez des victuailles apportées par l’organisation…) mais aussi local avec un
appareil à raclette en train de fonctionner. Payante certes, mais qui va faire
un bien fou avec ses patates, oignons et cornichons. Les jambes en l’air, le
corps au frais, je savoure… Un coureur singapourien fait de même, cela doit lui
paraître encore plus délirant.
Je repars avec Antho, mais cette
raclette je vais la « savourer » (de moultes renvois) jusqu’au col
suivant de la Forclettaz. La montée n’est pas très compliquée, et nous rencontrons
en chemin l’un des vachers des bêtes à l’estive nous ayant donné la raclette.
L'estive
A
nouveau 1000m de D+ dans un cadre merveilleux, entourés par des glaciers
majestueux. Quelle chance d’être là ! En 48 heures on en a déjà largement
pris plein les mirettes ! Mais toujours ce souffle qui se fait bien plus
court à partir de 2400 mètres nous faisant progresser lentement.
Voici le col, 150 kil parcourus
et 11 300 D+. Il faut à nouveau basculer dans une descente, à partir de maintenant dans le Valais francophone. A chaque fois
la transition est délicate. Les muscles qui depuis 2 à 3 heures s’étiraient
d’une façon, doivent s’adapter à une nouvelle sollicitation. Cela prend
quelques secondes mais il ne faut pas brusquer la machine.
La descente est agréable et nous
mène rapidement au ravito de Tsahelet. De là nous allons rejoindre le grand
travers plus ou moins plat emprunté pendant 5 kilomètres par le célèbre trail Sierre-Zinal qui a eu lieu
il y a quelques semaines. Nous trottinons de temps en temps mais surtout nous
imaginons à quelle vitesse Kilian et consorts ont du survoler toutes ces
pierres et cailloux dans une vitesse folle.
Nous passons également à côté des majestueuses vaches noires locales du Valais francophone. Superbes bêtes à la robe intense. Sentier en balcon vraiment très sympa qui nous permet d’apercevoir au loin la Corne de Sorebois que nous devrons gravir tout à l’heure, mais aussi le village de Zinal tout en bas où siège la 3° base de vie, et surtout au loin les « cinq 4000 » enneigés dont le mythique Matterhorn, le Cervin et sa forme si caractéristique.
Nous passons également à côté des majestueuses vaches noires locales du Valais francophone. Superbes bêtes à la robe intense. Sentier en balcon vraiment très sympa qui nous permet d’apercevoir au loin la Corne de Sorebois que nous devrons gravir tout à l’heure, mais aussi le village de Zinal tout en bas où siège la 3° base de vie, et surtout au loin les « cinq 4000 » enneigés dont le mythique Matterhorn, le Cervin et sa forme si caractéristique.
Les 5 "4000" de Zinal
Arrêts photo indispensables et arrêt ampoule juste avant la
raide descente. Et oui, à force de chauffer les doigts de pieds
« déclenchent » un peu. Une deuxième petite ampoule s’est faite jour
et je prends le temps de la percer et strapper. La 1° d’hier n’a pas évolué,
tout va bien donc.
Cet arrêt de 5 minutes me fait
perdre Antho et Jacques de vue. La fin de la descente est assez raide et peut
elle aussi exploser les pieds si l’on ne fait pas gaffe. C’est donc à petit
train, et hésitant sur le marquage des fanions, que je rejoins enfin Zinal où
Ji-Pé sort de la superette les bras chargés d’eau gazeuse ! Immense
bonheur quand il me tend une bouteille de San Pellegrino !!! Je prends le
temps de la savourer, avec Antho retrouvé, sur un banc du village. Petit moment
de décontraction musculaire au milieu de ce sympathique village.
Zinal donc, 3° BV, au 3° jour de course (mardi 16h05). Nous faisons le choix d’aller copieusement nous restaurer d’un succulent émincé de poulet au riz curry proposé par l’organisation.
On m’y change également la puce
GPS qui n’a pas fonctionné depuis le début…et ce ne sera pas mieux jusqu’à la
fin. Situation déplorable qui a jeté un vent de révolte sur la course,
inquiétant les familles et proches restés en France et souhaitant être rassurés
quand à la progression des coureurs. Il est rageant que cette prestation
incluse dans le paiement de 650 € ait été si défaillante. De mon côté cela m’a
coûté 30 € de hors forfait téléphone pour régulièrement informer Laeti de ma
position. Et heureusement que le réseau téléphonique suisse est incroyablement
couvert, car je n’ose imaginer les situations catastrophiques avec des
conditions météorologiques plus dégradées couplées à l’absence de bénévoles sur
les points chauds de la course, et l’inefficacité du GPS. J’en reparlerai plus
tard, mais le bilan humain aurait pu être plus lourd, voir tragique….
Les premiers masseurs
apparaissent à Zinal, mais l’attente est trop longue. Nous nous restaurons
donc, plus douche et change, pour repartir assez confiants. Nous avons décidé
de faire la même stratégie, à savoir d’entamer la nuit après une BV qui nous a ragaillardi,
afin d’attaquer la difficulté suivante, puis dormir en milieu de nuit pour
ensuite être « frais » avec l’arrivée du jour.
4° étape : BV 3 Zinal –
BV 4 Grande Dixence : 40 kil – 3900 D+ D-
Donc après 1h15 de pause nous
voilà repartis droit dans la pente à l’attaque du 1200 D+ sur 5 km (presque
digne de l’ascension du Coma sur la Ronda) nous menant à Sorebois. Pente
vraiment très très raide, nous offrant l’avantage d’un panorama époustouflant sur le
Cervin, mais se terminant très inesthétiquement à la verticale sous les pylônes
des remonte-pentes de la station de ski locale. Petite faute de gout dans le parcours.
Le Cervin, en arrière plan, à droite
Cette montée ne rigole vraiment pas mais je fais tout mon possible, à bloc, pour arriver
au col avant la nuit, afin d’apercevoir en contrebas le lac de Moiry et sa
couleur émeraude. Antho paye un petit coup de fringale sur la fin mais nous
nous retrouvons assis devant le somptueux soleil couchant avec une compote et
des bonbons Haribo. 19h50, je téléphone à mes proches pour leur faire partager
ce moment. Quelles émotions !
Depuis le col, derniers rayons de soleil
Descente de 600 D- maintenant
pour rejoindre Ji-Pé au bord du lac. Tranquille, en trottinant. On y arrive à
20h35 à la nuit juste tombée, pour une pause de 15 minutes. Ji-Pé nous conte ses
galères de route, il fait une sacrée SP lui aussi. Zinzin est passé il y a
moins d’une heure, tout frais. C’est chouette, nous pourrons avoir des images faites
dans les mêmes conditions jour-nuit que lui.
Vue du lac pour Ji-Pé
Départ pour le col de Torrent à
700 D+ avec une première halte rapide au
ravito de Torrent. Une demi-douzaine de jeunes suisses tient ce ravito en
pleine humidité et léger vent. Ils ont bien du courage car rien pour s’abriter.
Idem pour les trailers voulant se poser un peu. Pas moyen de dormir ou s’assoir
au chaud ici, ce qui peut en mettre en difficulté certains. Les jeunes font ce
qu’ils peuvent pour nous encourager, et ont eu la vaillante idée d’acheter un
sachet de carottes crues, ce qui casse avec la routine habituelle. Il manque
souvent des légumes verts ou crus aux ravitos et BV dans les ultras, ce qui
pourtant éviterait bien des carences et égayerai l’estomac et les papilles des concurrents.
On repart, je chausse vite les
gants Goretex et la veste montagne que je n’avais pas encore sortis du sac.
L’humidité tant le froid nous saisissent en ce début de nuit. Tout ce matériel
obligatoire que l’on trimballe dans son sac pendant des jours n’est pas là pour
rien, et peut à un moment ou à un autre nous « sauver la vie ». La
frontale de secours a déjà son utilité pour moi suite au bris de l’autre. Même
étant l’un des moins frileux de la course les gants Goretex et la veste sont nécessaires. Ne parlons pas du bonnet ou du t-shirt long chaud que j’ai aussi passé
sur le court. Il y a juste le sur-pantalon qui n’a pas encore été utile, mais
çà ne saurait tarder… Le temps que je m’équipe Antho est au loin, quelque part
dans les frontales qui me précèdent. Je le rattraperai juste avant le col.
Antho et moi nous sommes connus
il y a deux ans sur la Ronda dels Cims en Andorre, la plus extraordinaire de
toutes les courses. Nous avions fait parfois chemin commun et avions gardé le
contact. Nous nous sommes lancés solidairement dans l’aventure SwissPeaks, pensant à
minima faire 24 h de course ensemble. Finalement cela fait 2 jours et demi que
nous avançons de concert, bénéficiant ainsi tous deux de l’assistance de Ji-Pé, et surtout
de notre soutien mutuel. Nous avons quasi la même vitesse de course, mais
surtout la même idée sur celle-ci et les mêmes désirs. Nous nous entendons à merveille,
et même si pas toujours ensemble notre proximité nous rend beaucoup plus
confiants que d’affronter seuls ce défi. Durant cette course nous allons nous
trouver 1/3 du temps côte à côte, 1/3 en visuel à maxi 100 m, et 1/3 sans se
voir mais sachant que nous allons nous retrouver au prochain ravito. Ceci nous
a permis d’avoir des moments de communion, de partage, comme des moments
nécessaires de solitude et d’introspection. La formule idéale.
Col de Torrent, pas mécontents
d’y être. Je viens en effet d’égaler mon record de distance et de D+ en course
(Ronda = 170 kil et 13 000 D+), tout comme le temps d’effort (56h). J’en
fait part à Antho, tout ce qui est pris désormais est bonus. Pour lui il faudra
attendre encore quelques kilomètres ayant fait un 183 kil sur une Ronda
enneigée.
Un gros 1540 D- nous accueille désormais pour nous mener au dodo du ravito de La Sage Evolène. L’une des plus longues descentes de la course qui va s’avérer l’une des plus fatigantes et cassantes. Assez régulière et trottinable au début elle devient franchement inconfortable puis insupportable dès son milieu. L’impression de voir les lumières de la bourgade et de ne jamais y arriver, tout en empruntant le sentier qui ne semble pas le plus aisé de ceux proposables. Je commence à exprimer mon agacement, exacerbé par une dose de fatigue qui s’accroit (cela fait 21h que nous n’avons pas dormi). Première hallucination lorsqu’en pleine torpeur pré-sommeil je pense « je suis en Italie ou en Espagne là ? ». Il est temps de me poser.
Un gros 1540 D- nous accueille désormais pour nous mener au dodo du ravito de La Sage Evolène. L’une des plus longues descentes de la course qui va s’avérer l’une des plus fatigantes et cassantes. Assez régulière et trottinable au début elle devient franchement inconfortable puis insupportable dès son milieu. L’impression de voir les lumières de la bourgade et de ne jamais y arriver, tout en empruntant le sentier qui ne semble pas le plus aisé de ceux proposables. Je commence à exprimer mon agacement, exacerbé par une dose de fatigue qui s’accroit (cela fait 21h que nous n’avons pas dormi). Première hallucination lorsqu’en pleine torpeur pré-sommeil je pense « je suis en Italie ou en Espagne là ? ». Il est temps de me poser.
Heureusement Antho me motive, fait tampon, et
nous amène tant bien que mal dans le petit hameau de la Sage à 0h25 où Ji-Pé
nous attend avec ses sandwichs dégoulinants de mayo ! Putain quel
régal ! Je les déguste à même le bitume tout en faisant mes étirements. Se
nettoyer les pieds avant de dormir fait également un bien fou, et nous nous
glissons dans nos duvets préparés avec attention par Ji-Pé pour 3h de sommeil. Même si le réveil est extrêmement difficile, mais il faut passer le cap et se
forcer à sortir du duvet, la stratégie de sommeil s’avère payante.
De jour, notre "dodo roulant", tenu nickel par Ji-Pé !
Après tous
les soins d’usage, le remplissage de victuailles et le bisou à Ji-Pé nous
repartons en forme à 4h40 pour les quelques 2h30 de nuit qu’il reste à faire.
L’on continue tranquillement la descente sur Evolène, avec là aussi des
hésitations sur le chemin à suivre assez mal indiqué à l’approche du bourg.
Bourg tout vide, qu’il est fun de traverser au petit jour, juste titillés par
les arômes émergeant de chez le boulanger déjà la main à la pâte.
Voici l’attaque dans la foret,
pour joindre le ravito de Chemeuille puis le col de la Meina. Un 1400 D+ de bon
matin, comme çà, rien que pour le fun. Longue partie dans la foret avec
toujours le premier tiers de montée très raide, puis un radoucissement au tiers
médian, pour finir par un tiers très raide à l‘approche du col.
Nous retrouvons
quelques Kikourous au ravito de Chemeuille, dans le soleil levant :
Antoine, Cheville, Jacques. Jolie ambiance entre nous même si le jeune qui
tient le ravito nous annonce qu’il n’a plus d’eau ! Plus
d’eau ! ? Comme est-ce possible pour cet élément essentiel ?
Il reste quelques victuailles étalées sur une table capharnaüm sur laquelle il
convient de trier nos denrées. Du bouillon encore chaud dans la marmite, mais
pas d’eau… Il part avec son cubit de 20 litres en chercher à la bergerie au-dessus
mais celle-ci est encore fermée. Bon, là on touche l’ubuesque. Tant pis, on fait
avec ce qu’il reste en évitant de remplir les gourdes avec le fond de Suze et
de Pastis qui eux ont leur place sur la table… Il faudra jouer de chance plus
haut, ou après le col, pour trouver un filet d’eau.
Tout ce petit monde s’ébroue vers
le col de la Meina, lorsque le berger délivre devant nous la cinquantaine de
vaches de combat (tradition des vallons proches) qui ont passé la nuit dans la
bergerie. Chacune de ces championnes porte une grosse cloche et nous faisons
partie d’un coup d’un tableau mouvant, détonnant et bruyant de quelques traileurs
entourés de splendides bêtes au beau milieu des glaciers illuminés de cette
rasante lumière de l’aube. N’en jetez plus, la coupe de bonheur est
pleine !
Les belles sur notre chemin
Mdr !!!
L’arrivée au col (2700 m) est elle aussi superbe, avec toujours
le souffle court à partir de 2400 mètres. Deux jeunes et sympas randonneurs
nous donnent des nouvelles des prévisions météo qui s’annoncent très bonnes
jusqu’à au moins demain (jeudi) soir. Ils ont bivouaqué à proximité du col et
ont certainement du drôlement se cailler car des parties sont encore gelées. 11h15,
le col, souillé par une immense croix en bois, donne une vue imprenable sur
l’autre versant et le titanesque barrage de Grande Dixence où se situe la 4°
base de vie et notre prochaine étape. Je vous passe la beauté du paysage, c’est
juste incroyable !
Depuis le col, Grande Dixence au loin, mais d'abord il faut tout descendre pour y remonter, et ensuite filer au pied des glaciers sur la droite 😜
La descente de 1100 D- vers
Pralong, un peu technique au début, puis assez roulante et finalement très pentue
(comme toujours) m’est difficile. A la faveur de mon arrêt au col, Antho est
parti un peu devant, et Maxime le Suisse me rattrape et me dépose. Je souffre
toujours beaucoup de mon ventre qui est extrêmement gonflé. Chaque pas ou
sursaut en descente m’est douloureux en appuyant sur mes intestins. J’ai pris
un anti-inflammatoire il y a 36 heures mais je n’ai pas l’impression que c’est
cela. Les Spasfon ne semblent pas faire effet non plus. C’est assez handicapant
car je n’arrive pas à trottiner pour rejoindre Antho et je perds du temps.
Obligé de marcher. En sus je commence à être à sec d’eau et la matinée
s’annonce chaude. Il faut donc que je positive en pensant à la prochaine BV.
Heureusement à l’orée de la foret je trouve une source et peux me désaltérer abondamment.
Le bois ensuite rafraichit la température tout en nous menant par des sentiers très
pentus en fond de vallée. Un petit calvaire pour moi que cette descente.
Nous sommes dans le 4° jour de course, là où tout peut basculer. Comme l’a dit Antho tout se joue entre ce jour et cette nuit, là où l’on passe d’un ultra classique à un format exceptionnel. Il faut donc passer en mode « rando-course-qui va loin ». Pralong, enfin. Je suis accablé de chaleur dans ce fond de vallée. Un petit ravito sauvage est en train d’être installé par un bénévole. En attendant les pizzas dont il me fait saliver il m’offre un thé bienvenu. Je prends 5 minutes pour m’allonger à l‘ombre, les jambes en l’air, pendant que deux autres concurrents vont boire un café au petit resto proche. Je suis vraiment diminué par la chaleur et le mal au bide. Pendant ces 5 minutes j’essaye d’oublier cela. J’avertis Ji-Pé que j’arriverai bien après Antho au barrage, étant dans le dur.
Remise valaisanne
Cette montée de 500 D+ et 5 kil vers le barrage je ne l’aurais apprécié que si elle ne se faisait que par la route. Mais là on nous met à mal inutilement en nous faisant passer par le lit de la rivière dans des amoncellements d’alluvions. J’apprécie peu. Je reviens sur deux allemands qui vont me permettre de tenir un rythme jusqu’au mur du dernier coup de cul vers le pied du barrage. Trop chaud, vraiment trop chaud, heureusement à l’ombre. Un mauvais moment à gérer. C’est çà l’ultra : savoir ne pas s’enflammer quand tout va bien, et ne pas désespérer quand tout va mal. Mais nous sommes arrivés au kilomètre 200 du parcours, ce qui ne peut qu’avoir un effet positif. Il ne nous reste plus qu’un ultra classique, et cela ne me semble pas du tout insurmontable.
L'hôtel = base de vie n°4
Enfin, voici Ji-Pé auquel j’ai du
mal à exprimer ce dont j’ai besoin dans le camion, complètement ensuqué. Le
pauvre, il a à faire avec nos états de fatigue et nos désirs parfois incompréhensibles.
L’hôtel du barrage sera notre havre, construit pour les ouvriers édifiant ce
barrage poids le plus haut du monde, aussi haut que la tour Eiffel. Cela fait un
peu bâtiment stalinien, mais il nous va bien. 12h35 en ce mercredi, Antho est
arrivé 15 minutes avant moi. Nous sommes accueillis par des supers bénévoles
qui nous servent du poulet à la milanaise, une composition de légumes du
meilleur goût (carotte, choux fleur, courgette) et des pâtes et patates à la
valaisanne.
Super douche chaude, Antho redescendra d’ailleurs en slip de l’ascenseur au mauvais étage, surprenant les touristes attablés au bar du resto.
Enfin un premier massage par une bénévole qui n’est même pas kiné, mais dont les bons soins sont un régal. Merci à toute cette belle équipe du barrage pour sa disponibilité !
Super douche chaude, Antho redescendra d’ailleurs en slip de l’ascenseur au mauvais étage, surprenant les touristes attablés au bar du resto.
Antho savoure le massage à 4 mains 😁
Enfin un premier massage par une bénévole qui n’est même pas kiné, mais dont les bons soins sont un régal. Merci à toute cette belle équipe du barrage pour sa disponibilité !
5° étape : BV 4 Grande
Dixence – BV 5 Champex : 50 kil – 3400 D+ D-
14h15, dehors il fait un peu plus
frais, et nous savons que nous allons attaquer un gros morceau. Tout d’abord
terminer l’ascension du barrage avant d’aller chercher le col de Pra Fleuri.
Nous sommes toujours dans ce second tiers de course si difficile, dans lequel
malgré les heures passées à avancer nous avons l’impression de ne rien faire de
la journée. Comme un léger sentiment d’impuissance, qui peut donner à réfléchir
sur les barrières horaires éliminatoires, bien qu’à Grande Dixence elles soient
6 heures derrière nous.
De la folie ce barrage, on ne distingue même pas les gens en haut !
Col de Pra Fleuri, à 923 D+ au-dessus,
mais surtout qui culmine à 2963 mètres d’altitude (le plus haut passage). Un
sacré chantier que d’arriver là-haut par un sentier parfois bien caillouteux et
technique, très pentu parfois, dans un environnement austère de fin de monde,
entre minéral et reliquat de l’ancien barrage et de ses baraquements.
L’impression de pénétrer dans le Mordor du Seigneur des Anneaux. Vraiment une
ambiance très particulière. Le col est atteint tant bien que mal avec des
passages délicats, à mon avis trop techniques et dangereux pour des
ultratrailers fatigués de plusieurs jours de course.
Le chantier que nous venons de passer
Antho au col, regardant le chaos
Du col vision impressionnante du
glacier de Prafleuri que nous touchons presque, mais aussi vision apocalyptique
et flippante du chemin qui doit nous mener à travers Grand Désert jusqu’au col
de Louvie. Un chaos de roches, sans une once de verdure, amoncellement dantesque
de blocs et falaises à perte de vue. Un chaos post apocalyptique doit donner la
même impression.
Le Grand Désert...minéral
La progression est lente, mal aisée, mal assurée. Je m’efforce
de ne pas penser qu’un faux pas pourrait entrainer une entorse, une blessure,
une cassure, un trauma, écourtant ainsi connement la course. Comment les
secours pourraient nous repérer sans le GPS et le téléphone qui ne capte
plus ? Et encore il fait quasi beau temps… Pour moi ce parcours est trop
technique. Les organisateurs ont une chance insolente avec la météo. Ce
d’autant plus que malgré la vue dégagée le sentier de la course est difficile à
trouver. 4 types de marquages s’entremêlent depuis le col. Des fanions, des
points roses, des oriflammes et le GR. Nous ne savons plus que suivre. Perdant
un instant Antho je vais me trouver pendant 5 minutes à prendre la mauvaise
direction vers le col de Louvie en prenant le GR. Ne voyant plus personne je
ferai demi-tour pour trouver le ravito caché derrière une falaise, donc invisible
en venant dans le sens de la marche. Et encore, ce n’était ni la nuit, ni dans le
brouillard… Des différents échos je sais que je ne suis pas le seul à m’être
perdu ici, et parfois bien plus longuement.
Au ravito, qui était annoncé comme léger, les deux bénévoles ont eu la vaillance de nous trouver de l’eau, du thé, et des victuailles bienvenues. Ils vont certainement sauver la mise de plus d’un. Merci à eux !
Au ravito, qui était annoncé comme léger, les deux bénévoles ont eu la vaillance de nous trouver de l’eau, du thé, et des victuailles bienvenues. Ils vont certainement sauver la mise de plus d’un. Merci à eux !
Ascension du col de Louvie maintenant.
Cet enchainement qui parait « facile » sur le papier et la carte
n’est pas une partie de plaisir….jusqu’au moment où Antho se retourne vers moi
et me dit « Sylvain, tu vas être content ». Je lève la tête, et là
tout s’arrête. A 15 mètres de nous une troupe de 15 bouquetins des Alpes
chemine paisiblement en croisant notre route. Image irréelle, nous qui étions
seules âmes semblant vivantes depuis des kilomètres. Des gros mâles couillus
qui se frottent aux roches, nous matant d’un regard fier et d’une posture noble
nous indiquant sans ambages qu’ils sont
les princes de ces lieux. Ils défilent devant nous, comme passerait une baleine
sous la coque d’un esquif, sans que nous puissions en altérer le mouvement.
5
minutes magiques, d’une rencontre naturaliste tant attendue. Je n’aurais pas eu
les hurlements du loup, mais je suis comblé, de quoi me booster pour le dernier
raidillon qui m’attend. Mais en me tournant vers celui-ci, dernier clin d’œil
facétieux d’un chamois debout sur un rocher surplombant le passage d’Antho.
Putain quel kif !!!!
Les dernières onces du col se
font en mettant les mains, en posant les pieds dans la neige, en évitant de
basculer en arrière… Mais quel parcours
de ouf’ !!!
Fin de montée...raiiiiiiiiide !!!
Là haut pas le temps de tergiverser, un ptit goulet de vent
froid, Antho et un triathlète que nous côtoyons régulièrement s’en sont allés,
il faut que j’avance. Rejoindre maintenant le ravito de PlamProz à 10 kil et
1600 m de D-. Encore une sacrée bambée à se taper ! Et le jour qui
commence à tomber, le minéral qui est roi, mes jambes qui s’émoussent, mon ventre
qui endure, mon esprit qui gamberge. J’ai le pied pyrénéen mais je ne sais
pourquoi cette section m’est stressante. Le sentier est très technique et
difficile, sans faux pas autorisé. Même la vue sensationnelle sur le Grand
Combin qui ressemble tant au Mont Blanc ne me rebooste pas. Je prends le temps
de prendre des photos mais le cœur n’y est pas.
Le majestueux Grand Combin
Je divague entre l’appréhension
de me faire mal et le stress des barrières horaires que je sens se rapprocher.
Cette appréhension se transforme en peur et je ne suis plus à l’aise du tout.
Il faut que je retrouve Antho, mais je ne le vois plus. Il faut que je puisse
m’appuyer sur quelqu’un. Je commence ici à penser : « et si j’arrête
ici ? », je gamberge un peu, ce sera le seul moment de toute la
course. Enfin, au bout de 15 interminables minutes je le vois au loin et peut
crier vers lui pour qu’il s’arrête. On se retrouve et j’en profite pour manger,
manger, manger…c’est un début de fringale qui est en fait en train d’apparaître
et me met en partie dans cet état.
3 concurrents nous rattrapent
mais Antho va rester juste devant moi pour m’accompagner dans ce chemin en surplomb
difficile et la descente vers le lac de Louvie. Il trouve les mots justes et fréquents
comme il faut pour me rassurer et m’emmener comme une fleur au bord du lac, au
bord de la nuit. Merci Antho pour ce sauvetage.
Mais à la cabane de Louvie la partie n’est pas gagnée. Nous retrouvons Antoine et Cheville avec qui nous allons nous enquiller une acrobatique descente de 900 D- sur 4 kilomètres. Un pentu de ouf’ dans lequel les quadris et les pieds hurlent à la rémission. Pourtant il n’en est pas question et l’on serre les dents. Antho et moi avons prévus de dormir en bas, faut tenir.
Mais à la cabane de Louvie la partie n’est pas gagnée. Nous retrouvons Antoine et Cheville avec qui nous allons nous enquiller une acrobatique descente de 900 D- sur 4 kilomètres. Un pentu de ouf’ dans lequel les quadris et les pieds hurlent à la rémission. Pourtant il n’en est pas question et l’on serre les dents. Antho et moi avons prévus de dormir en bas, faut tenir.
Cela fait déjà quelques heures que les montées sont devenues moins désagréables que
les descentes, c’est le lot de tous. Enfin, voici les lumières du bas, une
route, puis un cheminement aisé d’un kil jusqu’au ravito. Ereintés et pour moi
le bide explosé, nous savourons le choix pertinent d’avoir prévu notre dodo
ici. J’essaye d’avoir, via Laeti que j’appelle et qui ne dort toujours pas (parfois
un peu inquiète), des nouvelles d’Apos qui j’espère se sort des barrières
horaires (lui qui a eu temps de mal dans sa prépa et était perplexe pour, comme
moi, cette première sur cette distance). Difficile d’en avoir, mais ses posts
sur FB semblent indiquer qu’il continue à se jouer des difficultés qui nous
sont offertes (mais qu’on a payées quand même…).
Plamproz, 22h15, minuscule hameau
magnifique de jour (dixit Ji-Pé) où nous sommes accueillis comme des princes. A
peine assis sous le barnum je me vois proposer une raclette !
Gratos ! Le luxe !!! En même temps je lis mes SMS. Laeti m’y souhaite
du courage et m’annonce ce ravito original. Les bénévoles présents, habitants
pour la plupart le hameau, sont perplexes. Les nouvelles vont vite via les
réseaux sociaux. J’envoie donc la photo du délit culinaire à Laeti.
Merci Monsieur, vous m'avez sauvé la nuit !
A peine
l’assiette finie je m’en vois proposer une seconde, puis une troisième… Avec plein
de croute grillée que j’adore !!! Rhhhoooo, gâtés que je vous dis, cela me
fait un bien fou au moral. Cette bascule si critique de la 4° nuit dehors vient
de passer en quelques heures d’une pente glissante de détresse vers un versant
plus rassurant de cocooning et de pensées positives. En quittant les bénévoles
qui prennent en charge des concurrents arrivants comme des zombies, nous pouvons
donc nous laisser aller quasi sereinement dans le van pour 3 heures de dodo.
Ces bénévoles qui ont du improviser chez eux un dortoir pour les plus fatigués,
alors qu’à l’origine rien n’était prévu. Formidables !
3 heures qui passent très vite.
Il devient de plus en plus difficile de se remettre en route, car nous
resterions bien au chaud. Se réveiller alors qu’il fait encore nuit pour
fournir un effort n’est pas naturel, surtout avec 220 kil dans les jambes. Mais, rassurés par les bénévoles qui connaissent bien le coin et nous montrent des
photos des bouquetins dans leurs jardins (nous qu’y croyions avoir fait un
exploit que de les voir là-haut…), nous repartons à 2h20 pour une petite
descente puis une montée bien bien sèche de 770 D+ vers la cabane Brunet. Nous
y sommes rejoints par un duo de belges dont l’un trouve la force de papoter bien
fort sans cesse. Quelle énergie, qui brise le silence alentour mais nous tenant
éveillés.
Sortis de la foret nous admirons le ciel étoilé, le croissant de lune resplendissant et les loupiotes dans notre dos qui descendent du lac de Louvie vers Planproz. Je suis de tout cœur avec eux dans cette descente infernale. Cabane Brunet, 4h du mat’. Le tenancier du lieu a encore les yeux plus petits que nous. On se pose dans sa jolie cabane pour savourer un bouillon et des Tucs.
Sortis de la foret nous admirons le ciel étoilé, le croissant de lune resplendissant et les loupiotes dans notre dos qui descendent du lac de Louvie vers Planproz. Je suis de tout cœur avec eux dans cette descente infernale. Cabane Brunet, 4h du mat’. Le tenancier du lieu a encore les yeux plus petits que nous. On se pose dans sa jolie cabane pour savourer un bouillon et des Tucs.
Dans l’arrière salle le duo de Suisses rencontrés à Grande Dixence se
tape un petit déj de seigneurs. Ils se sont réservés une vraie piole pour la
nuit, le gardien leur a fait une fondue en dîner, et les voilà devant des
tartines à la confiture. Ou comment joindre l’agréable à l’effort !!!
On repart pour des montagnes
russes de petites descentes et montées qui me désorientent un peu. L’impression
de ne progresser ni dans le paysage des villes en contrebas ni en altitude. Une
petite période de flou en direction de la cabane de Mille. Un grand travers
qui surplombe la vallée qui ne me permet
pas d’avancer sereinement avec mon bide récalcitrant. Et puis en cette fin de
nuit mon corps recommence à s’endormir, comme à chaque fois. Il me faut le lever du jour qui lui agit comme une dose de RedBull.
Quelques frontales au loin. Nous n’avons jamais été trop seuls pour l’instant sur cette course, ce qui est assez surprenant. Mais nous sommes dans le ventre mou du peloton, aux alentours de la 150° place, là où gravite le plus grand nombre de concurrents. Ah çà s’élève ! Gros coup de cul pour atteindre les cimes. Je me disais bien que ces 600 D+ étaient cachés quelque part. 7h, nous arrivons au col de Mille à 2500 m d’altitude en même temps que les premières lueurs. Je n’aurais cesse de le dire : ces premiers instants d’un nouveau jour en montagne sont vraiment sans nulle autre pareil !
Quelques frontales au loin. Nous n’avons jamais été trop seuls pour l’instant sur cette course, ce qui est assez surprenant. Mais nous sommes dans le ventre mou du peloton, aux alentours de la 150° place, là où gravite le plus grand nombre de concurrents. Ah çà s’élève ! Gros coup de cul pour atteindre les cimes. Je me disais bien que ces 600 D+ étaient cachés quelque part. 7h, nous arrivons au col de Mille à 2500 m d’altitude en même temps que les premières lueurs. Je n’aurais cesse de le dire : ces premiers instants d’un nouveau jour en montagne sont vraiment sans nulle autre pareil !
Arrivée au col de Mille 💓
Antho et moi sommes aux anges, sommes si bien encore à cet
instant. Nos yeux se repaissent du panorama. A ces moments toutes les douleurs
et peines sont oubliées. Ce n’est que jouissance absolue. Le panorama est époustouflant
et je pense à ceux en bas ou ailleurs, dans la difficulté ou dans la joie. Je
prends une photo pour leur envoyer mon salut amical de cet endroit. Que le
Monde est beau là-haut, que nous sommes chanceux, et conscients de l’être.
Antho et moi sommes vraiment émus et contents d’être ici.
C’est pas tout mais çà
« pique » dehors, pas loin du zéro ressenti, on s’engouffre dans la
cabane. Accueillis à nouveau par de charmants bénévoles, et Jacques qui sort de
trente minutes de sommeil dans le refuge. Une traileuse nous parle avec
franchise et humour des jupettes de course pour filles. Toutes les nationalités
se côtoient et rient d’un même cœur.
Attaque du 5° jour de course.
Punaise déjà 5 jours. Difficile de savoir le jour de semaine, mais nous savons
que nous n’arriverons pas avant samedi, dans 2 jours. Nous sommes ici entrés
dans un état différent, dans cette progression magnifique qui ne semble avoir
ni début ni fin. On nous dirait d’avancer encore une semaine que nous le
ferions. La machine physique avance, mue par un cerveau depuis de longs mois
tourné et motivé par cet objectif. Magnifique être humain capable de tant
d’abnégation et de résistance quand il s’en donne les moyens. En partant de
cette cabane j’ai sincèrement l’impression d’être réellement moi, en ce point
totalement accompli, pleinement heureux et jouisseur de la vie. L’ivresse des
cimes peut-être ?
Pas possible un tel panorama !!!
La longue crête descendante depuis
la cabane est un irréel ravissement d’où au loin nous voyons tant la BV de Champex
que l’arc alpin ou la basse vallée valaisanne. Assurément l’un des plus beaux passages de la course.
Mais cette béatitude ne saurait durer. Revenus sur des chemins trottinables je ne puis en profiter. Toujours ce mal au bide que je traine depuis 3 jours. Je ne peux faire que 3 pas courants avant que l’air de mon estomac endolorisse tout mon ventre et m‘oblige à des éructations régulières. Un calvaire. Je n’arrive pas à suivre le rythme d’Antho qui pourtant marche. Cette longue descente de 1540 D- vers la Douay s’annonce comme un calvaire.
Puis, l’orée de la foret, retrouvant Antho qui n’en revient pas de la taille de mon ventre, je percute ! Il s’agit d’une aérophagie liée à l’altitude. A chaque fois que je monte l’air compris dans mes intestins s’épand, et je dois l’évacuer en descente. J’ai eu un médoc fut un temps pour soigner ce type de symptômes qui peut être aussi du à un stress prononcé. Je tél à Laeti qui me retrouve le nom du médoc, et contacte Ji-Pé afin qu’il puisse me trouver cela à la pharmacie de Champex. 8h, elle ne devrait pas tarder à ouvrir. Vaillant Ji-Pé qui va encore prouver sa bravoure !
Mais cette béatitude ne saurait durer. Revenus sur des chemins trottinables je ne puis en profiter. Toujours ce mal au bide que je traine depuis 3 jours. Je ne peux faire que 3 pas courants avant que l’air de mon estomac endolorisse tout mon ventre et m‘oblige à des éructations régulières. Un calvaire. Je n’arrive pas à suivre le rythme d’Antho qui pourtant marche. Cette longue descente de 1540 D- vers la Douay s’annonce comme un calvaire.
Puis, l’orée de la foret, retrouvant Antho qui n’en revient pas de la taille de mon ventre, je percute ! Il s’agit d’une aérophagie liée à l’altitude. A chaque fois que je monte l’air compris dans mes intestins s’épand, et je dois l’évacuer en descente. J’ai eu un médoc fut un temps pour soigner ce type de symptômes qui peut être aussi du à un stress prononcé. Je tél à Laeti qui me retrouve le nom du médoc, et contacte Ji-Pé afin qu’il puisse me trouver cela à la pharmacie de Champex. 8h, elle ne devrait pas tarder à ouvrir. Vaillant Ji-Pé qui va encore prouver sa bravoure !
Voilà ce que çà donne (sans retouche) 😞
En attendant cette descente faut
se la fader, et elle est bougrement pentue, cassante pour les pieds.
Interminable, même si l’on retrouve le rigolo duo portugais, puis Jacques peu
avant son terme. La Douay, enfin ! Difficiles retrouvailles avec un flot de
circulation routier et ferroviaire. Il fait chaud, bien chaud à 800 m d’altitude. Il faut désormais
rejoindre Champex à 5 kil et 700 D+ de là. Je n’avais pas prêté attention à
priori à cette section qui me semblait facile. Mais je prends cher ! Vite
posé par la chaleur, tapé par la pente qui s’élève de plus en plus en avançant.
Chemin au substrat facile où l’on croise des promeneurs mais où j’entre en
déliquescence. Ma langue depuis des jours brulée par le bouillon et le sel des
aliments, mes gants mitaines qui puent le saucisson, le fromage, la
transpiration et la morve réunis, mon entrejambe enduit de crème dont les
effluves ne demandent qu’à disparaître à la douche promise d’ici peu…. S’en est
trop, stop, le cul dans l’herbe, les jambes en l’air, besoin d’ouvrir la cocote
minute.
Le moment où je prends chaud...et cher 😡
Antho est parti. J’hésite à
repartir au bout de 3 minutes mais je sais que le type qui vient de me passer
peut me servir d’appui visuel. Se faire
violence, et se dire que çà ira mieux…bientôt. Quelques larmes aux yeux, normal
dans ces moments là, mais ne rien lâcher : « No pain no gain »
et « No surrender », je le savais, j’ai payé pour çà, maintenant
j’assume. Je me fais la peau pour atteindre Champex, la tête dans les épaules,
les bâtons rageurs, comme pour conjurer le sort. Ji-Pé m’accueille en m’accablant
gentiment de ne pas lui avoir dit que j’avais mal au bide depuis tout ce temps.
Il a trouvé les médocs. Sa présence me réconforte. Merci à toi mon ami. Antho
est arrivé il y a 10 minutes.
Midi pile en ce jeudi, BV de
Champex. Le mouroir de l’UTMB comme on l’appelle. Il aura eu raison de
l’Ecureuil. Je retrouve aussi Antoine qui va bien, et Cheville un peu
« tapé » lui aussi. Presque le kil 250, il faut pas déconner ici si
l’on veut perdurer. Je m’enfourne les pates bolo au parmesan, puis file voir le
doc qui confirme le pronostic. C’est l’aérophagie des cimes. Prendre un cachet
toutes les 4 heures et éviter les pâtes (impossible), le pain blanc et autres
féculents. Ok pour le coca et l’eau gazeuse par contre, qui ne suivent pas le
même « circuit ». Allez zou, la douche, étirements et massages bienfaiteurs.
Pâtes à nouveau, Antho fait une micro-sieste dans l’intervalle.
6° étape : BV 5 Champex –
BV 6 Champéry : 53 kil – 3500 D+ D-
14h15, nous repartons, la météo a
tourné. La pluie fine est là et le brouillard tombe. La vraie pluie est
annoncée plus haut, il faut revêtir les vestes.
Le temps tourne au dessus du lac de Champex
Antho est reparti 5 minutes
avant moi, je progresse le long du lac avec Maxime et son ami Alex, nos copains
suisses. C’est le parcours de l’UTMB, hyper pas sexy qui va nous amener
jusqu’au col de la Forclaz. Je pense à mon ami PPA Fred qui est passé ici il y
a quelques jours lors de l’UTMB. Je ne sais pas quel est son résultat, j’espère
que tout s’est bien passé pour lui. Je trottine par alternance, le bide me
lance. Je reviens néanmoins doucement sur Antho et attaquons la montée sur
Bovine ensemble, en compagnie d’états-uniennes en rando goguette dans cette
section pourtant vraiment pas top. Quelques coups de cul dans un ciel changeant
qui nous fait hésiter entre garder ou enlever la veste. Ce temps de montagne incertain
que beaucoup abhorrent car justement…incertain.
Le ravito de la Giète, qu’Antho
shunte. J’y rentre pour satisfaire à mes besoins et faire connaissance d’un
agréable bénévole qui touille le bouillon et couve d’un œil aguerri les
ouailles venues ici piquer un somme. Pas plus de 5 minutes, je repars confiant.
Bientôt je serai au col de la Forclaz qui marque les 260 kil de course. Les
ouvertures dans la foret nous laissent à voir la vallée du Rhône en contrebas.
Spectacle saisissant de se dire que nous approchons pas à pas…de l’arrivée.
Bovine
18h20, col de la Forclaz, te voilà, avec ta noria de motos et autos en
goguette. Maxime est passé il a 10 minutes, Antho 5. Ji-Pé est tout jovial
malgré son manque de sommeil et la panne d’essence qui guette le camion.
J’entre dans la mini supérette du coin pour trouver de la morue à la sauce
moutarde que je m’enfournerai ce soir au bivouac. La vendeuse pleine de
compassion m’encourage.
Maxime, le suisse
Anthony, le vendéen
Sylvain, le Bibendum
Descente vers Trient, puis ce long
chemin insipide long de la route. Je suis seul. Je prends sur moi. Je sais que dans
quelques hectomètres m’attend la terrible descente dans la gorge de la Tête
Noire. Je n‘ai pas eu le temps de prévenir Antho, j’espère qu’il ne m’en voudra
pas. La voilà la descente, j’hésite à faire le grand tour par la route pour
aller à Finhaut tellement on m’a dit du mal de ce passage. En effet, c’est un
casse pieds terrible en descente et un casse cuisses insensé en montée. Le
style de passage qui n’a rien à faire dans un ultra, juste bon à détruire
l’once de moral qui peut te rester quand tu n’es pas prévenu. Je ne râle pas
car je sais que là-haut je vais retrouver le confort du fourgon.
Je suis obligé de rechausser la
frontale pour le dernier kilomètre et c’est heureux d’avoir surmonté cet écueil
que je retrouve à 20h15 Ji-Pé aux prémices du village.
(En)Finhaut
Et comme une bonne
nouvelle n’arrive pas seule, celui-ci m’annonce goulument qu’il a trouvé des pizzas
pour nous sustenter ! Putain il est trop fort ce Ji-Pé !!! Je t’aime
mon gars ! Au ravito nous retrouvons Max et Alex qui vont eux aussi
profiter d’un camion, puis l’info que le premier est arrivé, et que les puces
sont HS. Et voilà une boîte qui ne va pas faire long feu…Ici aussi débandade
pour dormir pour ceux en autonomie, alors qu’il s’agit d’un point stratégique. Stratégique
car nous venons de terminer ce tiers infernal de la course qui nous a fait passer
par les plus hauts cols et les pentes les plus prononcées. Cette désagréable impression
depuis 2 jours de ne pas faire de kilomètres mais seulement du dénivelé.
Ca ira
mieux demain, même si entretemps il faut se taper le dernier gros
morceau : la montée au col d’Emaney puis de Susanfe avant de rejoindre la
dernière base de vie. Ca sent bon hein !
J’en profite, en dégustant ma
pizza et faisant des étirements, pour appeler Laeti, mon compère Denis et mon
ami Yves qu’il me fait du bien d’entendre. Merci à vous trois pour tous ces
précieux encouragements emplis d’humour et d’amour tout le long du chemin. Mon
frère de trail Denis qui avait les larmes aux yeux en me quittant il y a
quelques jours, de me voir partir sans lui dans une si belle aventure. Il
m’avait alors dit, front contre front : « je serai là avec toi, cours
la pour moi ». Frères à jamais.
Je propose à Antho de dormir 4h, car notre marge sur la barrière horaire est désormais confortable et nous pouvons nous payer le luxe d’une heure de plus. Lui est diminué depuis ce matin par une douleur au TFL du genou, très handicapante en descente. Il préfère dormir 3h et se préserver 1h de marge pour plus tard. J’acquiesce, même si je redoute un départ nocturne de plus en plus tôt. Et la suite me donnera raison. J’ai un mal fou à m’endormir, me retourne dans tous les sens, me tape des suées, et à minuit quand le réveil sonne j’ai l‘impression de n’avoir que trop peu dormi. Néanmoins nous partons une demi-heure plus tard, en ce vendredi matin.
J’ai très vite la confirmation de
mon pressentiment. Je ne suis pas endormi, mais mes jambes ne veulent rien
savoir. Le parcours n’est pas si difficile que çà mais j’ai un mal fou à y
progresser. Antho se retourne régulièrement pour m‘attendre. Le duo allemand
nous double aisément. Plus de gaz dans le moteur. La gestion du sommeil est un
paramètre essentiel de ce type de course. Jusque là tout allait bien. Là je
sens que çà ne va plus. Nous progressons néanmoins, et au bout d’une heure j’ai
déjà faillit tomber deux fois sur ce sentier « facile ». Antho s’est
éloigné.
D’un coup sur le bord du chemin je ressens un
chat qui m’attaque avec sa queue, voulant me donner de violents coups. Oulà, 2°
hallucination, complètement pris et envouté par le faisceau de ma frontale et
la fatigue. Ni une ni deux, je me pose, mange, déplie ma carte et essaye de me
situer. Je viens de sortir de la foret mais suis encore bien loin du col. La
nuit est encore longue, il va falloir que je dorme. Malgré le thé froid dans ma
gourde, je somnole. Sur ma carte à une demi-heure d’ici se trouvent les cabanes
d’Emaney, prochain objectif.
Le temps se couvre, la pluie est fine, le
brouillard est là. L’intense emprise d’une météo de montagne, qui peut être
flippante, je ne suis plus serein. Je n’ai pas envie d’arriver dans les
dernières difficultés du col sans avoir retrouvé mes moyens, dans cette nuit noire,
sur ces pierres humides. La chance est de mon côté. Après avoir dépassé les 3
fermettes qui semblent habitées, je trouve une remise où le fermier a entreposé
son bois, sa tronçonneuse et sa hache. Remise à l’abri du vent et de l’eau.
Je
me cale à même le sol couvert de copeaux de bois, le dos calé contre une
palette en bois. Je m’équipe de la totalité de mon sac : sur-pantalon,
haut long, veste, gants, bonnets, et m’enroule dans ma couverture de survie. Je
suis clair avec moi-même : je dors, qu’importe l’heure à laquelle cela me
mènera, que ce soient 30 minutes comme au lever du jour dans 4 heures. J’ai
besoin de me rassurer physiquement et psychologiquement. Finalement je somnole, sommeil
entrecoupé des voix des rares trailers qui passent comme de la pluie qui tombe dru
un moment, me satisfaisant ainsi pleinement de mon sort : je suis mieux là
que dehors.
Pause d’une heure, jusqu’à ce que le froid me fasse trembler. Tout remballer
puis s’ébrouer et enfin rejoindre la nuit et l‘humidité froide à ces 1900
mètres d’altitude. Il me reste 550 D+
bien raides à avaler jusqu’au col d’Emaney mais je suis confiant. J’ai fait le
bon choix, je vais mieux.
Quelques frontales plus haut ou plus bas m’aident à
tenir le rythme et à 5h45 j’atteins le col, bien heureux. Au loin, au-delà de
la descente et du barrage de Salanfe, le ballet des frontales s’avance vers le
col de Susanfe. Peut-être Antho y est-il déjà ? Je prends le parti que je
serai sans lui pendant un moment, et m’engage
vers l’auberge de Salanfe qui sert de ravito. Descente un
poil technique au début, que je suis content de faire avec le jour qui se
pointe. Ciel chahuté, tourmenté, voilé, humide. Levé de jour moins majestueux
mais tout aussi prenant dans ce cirque immense de Salanfe. Le bide ne m’aide
pas à atteindre le barrage, là pourtant où je pourrais courir un peu.
7h, auberge de Salanfe, km 282.
Dans le béton froid du sous-sol errent des fantômes portugais, japonais,
singapouriens, suisses et français. Deux bénévoles peu engageants car
certainement très fatigués. Pas possible de dormir pour ceux qui le souhaitent.
Je choppe des Mule Bar goût tomate qui vont, je le sais, à un moment me faire
le plus grand bien. Je sature du fromage et du saucisson pourtant très bons, de
mes sachets de fruits secs qui sont pourtant pleins d’énergie, des Tuc et des
oranges. Il n’y a bien que les bananes et les carrés de chocolat qui passent
encore, mes compotes et sachets de bonbons Haribo. Antho semble t-il est
reparti il y a près d’une heure et demi. Il n’a pas du se poser dormir.
Il fait bien jour et je reprends
le chemin, complètement seul, vers le col de Susanfe. 7h40 j’appelle ma
maisonnée qui se réveille. Le plaisir dans ce lieu austère mais infiniment beau
d’entendre ma douce, mon grand, et mon petit qui vient d’apprendre à dire
« papa y court ». Pey, mon
grand, à quelques jours du départ qui m’avait dit « Papa mange pas trop
t’as la Swiss Peaks bientôt » et Laeti amusée qui lui avait répondu
« Il peut, papa va courir une semaine ». Ces mots avaient raisonné
longtemps dans ma tête…courir une semaine !
J’ai l’impression que le cirque
de Salanfe est seulement pour moi. Personne en visuel à des lieus à la ronde.
Seulement l’hélico de l’armée suisse qui s’entraîne à faire des posés sur une crête.
5 jours presque entiers que j’avance, et je n‘en ai pas marre, je ne suis pas
rassasié de cette ambiance. Plus rien ne peut arriver maintenant, j’irai au
bout, il reste moins de 80 kilomètres. Je n’ai jamais douté, comme dans un
rêve.
Seullllllllllllll !!!!
Ce col de Susanfe à 2500 mètres est
le dernier si haut, mais il se mérite. Il est planqué dans une immense barre
rocheuse de laquelle, même quand on est dessus, on a mal à savoir par où on va
la franchir. Passages très délicats, où il faut mettre les mains, et surtout
être non sujet au vertige. Je suis bien heureux d’y passer de jour, et hors
pluie. Délicat, trop délicat ce passage, dangereux, qui n’a pas sa place dans
un ultra sans un minimum de sécurité. Et à l’horizon aucun bénévole ou guide de
montagne, aucune chaîne pour rassurer, le grand néant… Limite, vraiment limite
après 280 kil de course. Je persiste : l’organisation qui ne nous a pas
suffisamment alertés sur les dangers du parcours et sur l’absence de sécurité,
a mis sciemment en danger l’ensemble des coureurs. Et au prix où nous payons
l’inscription ceci est difficilement tolérable.
Mais par où passer dans ce dédale ???? 😨
Voilà le col, dans un désert
lunaire de micro cailloux complètement irréaliste, battu par les vents et noyé
dans le brouillard. J’ai adoré ce grand moment de solitude dans le cirque de
Susanfe, certainement car j’en sors sain et sauf…
Au col
La bascule, dans des pierres et
des cailloux trop humides pour être honnêtes vers Champéry et un redouté 1440
D-. Incourable jusqu’à la cabane de Susanfe. En outre pas rassuré à l’idée de
traverser des troupeaux de moutons gardés par des patous que j’entends aboyer sans
les voir. Je glisse, je me reprends, je contracte le ventre…pas mieux…comment fais je
pour tolérer cela depuis 4 jours ? Et si je n’avais pas cet handicap,
serai-je plus rapide ? Cabane de Susanfe, super accueil au pas de la
porte. Bénévoles souriants, adorables et avenants dont je profiterai peu, seul,
mais pressé de descendre.
Se présente désormais le passage
du Pas d’Encel. Un merdier vertigineux pas possible, constellé de chaînes pour
descendre en désescalade et de mains courantes pour contenir le vide. Obligé de
lancer les bâtons 10 mètres en contrebas parfois pour me libérer les mains. Un
truc qui fait avancer à un à l’heure et vous rassure peu. Juste se dire que
c’est le dernier écueil (même si la suite nous dira que non), mais sans rire,
c’est du n’importe quoi de passer par là…quand on voit que des plaques
commémoratives de défunts jalonnent le trajet…
Ca y est, c’est passé, comme le brouillard
qui s’accroche à l’immense falaise, linceul des peurs et des morts qui nous
libère enfin de son emprise. Le soleil resplendit plus bas, à l’orée de la
foret, dans laquelle je m’efforce de courir pour rattraper le retard sur Antho.
Longue et assez douce descente qui me verra notamment revenir vers un
concurrent argentin avec qui j’avais parlé du pays, du Chili et des
« tenedor libre » au-dessus de Jungu, il y a déjà 3 jours. Etrange de
voir comme malgré les stratégies différentes de pause et de sommeil de chacun
nous arrivons à nous retrouver régulièrement avec certains, presque depuis le
début.
Faubourg de Champéry, c’est joli,
çà sent le barbecue et la dernière base de vie. Je trottine autant que
possible. A quelques hectos du ravito je sens l’accent des suisses Max et Alex
en arrière. Juste pour le fun je ne les laisse pas revenir. 13h45 Ji-Pé
m’accueille, en me soufflant que c’est hachis Parmentier au ravito ! Antho
est arrivé il y a 40 minutes, mais surtout nous atteignons pile poil le 300ème
kilomètre. 300 kilomètres ! Mince, çà ne sonne même pas possible à mes
oreilles. L’irréel de la performance.
Spacieuse et belle base de vie où
je me complais sous la douche, les mains de la masseuse et la fourchette pleine
de hachis. Les extérieurs de mes deux talons voient poindre des ampoules en
profondeur qu’il me faut traiter. Pas les plus faciles, car sous la peau dure.
Mais mine de rien j’ai encore bien géré mes petons avec la recette talc et
chaussures pieds larges. Quand je me rappelle l’état de mes pieds au bout de
seulement 100 kil sur mes premiers ultras…
Je m'étale
Pas pire…
Des regards et des encouragements
à mes compagnons de fortune. Antoine est reparti et vole vers l’arrivée,
Cheville est explosé mais vaillant, Jacques encore alerte mais fatigué. Certains badauds admiratifs nous sollicitent
et nous encouragent. Le temps de faire le point sur toutes mes fringues et
matos, de préparer la dernière section, Ji-Pé doit partir en avance pour
récupérer la chérie d’Antho.
Je pars à 16h, bien 40 minutes après Antho, mais super frais et motivé. Champéry, encore une vallée enchanteresse dont je traverse le joli bourg avec un large sourire aux lèvres. Il ne reste plus que 60 kilomètres, qui ,quoi qu’il arrive, seront plus aisés que ce qui est déjà passé. Demain, déjà demain, je verrais le lac.
Je pars à 16h, bien 40 minutes après Antho, mais super frais et motivé. Champéry, encore une vallée enchanteresse dont je traverse le joli bourg avec un large sourire aux lèvres. Il ne reste plus que 60 kilomètres, qui ,quoi qu’il arrive, seront plus aisés que ce qui est déjà passé. Demain, déjà demain, je verrais le lac.
7° étape : BV 6 Champéry
- Arrivée : 59 kil – 3400 D+ D-
Ca monte sec, comme d’hab’ pour
sortir des fonds de vallées, faut se remettre dans le rythme. Petit intermède
sur la route qui me donne l’envie (impossible) d’avoir un chalet ici, face au Pas d’Encel, puis l’on réattaque la crête
jusqu’à la Croix de Culet.
Ma casquette pour un chalet !
2 types me doublent comme s’ils venaient de
démarrer, ou alors c’est moi qui peine, ou gère car il reste du chemin…. Le
dernier quasi kilomètre est une hallucination. Tout d’abord de beauté sur les
paysages alentours, mais surtout sur l’irresponsabilité des organisateurs de
nous faire emprunter un tel chemin. Jamais dans mon expérience je ne suis passé
en course sur un sentier si aérien, vertigineux, dangereux.
Just too much ! (même si là çà ne rend pas sur la photo)
Une sente de crête très exposée et mal sécurisée, heureusement non humide, où il faut mettre les mains et réfléchir à deux fois où poser les pieds sous peine d’une belle gamelle. Tout cela dans une pente très dure, après 300 kil de course et une grosse fatigue accumulée. Nous ne sommes plus là dans l’ultra trail, ni dans le respect des coureurs. J’ai définitivement compris que ce SP360 est une aventure dans tous les sens du terme, de l’organisation aux concurrents…
De là je vais chercher Chaux Pâlin
à quelques encablures. Je suis accompagné d’un finisher du TOR inscrit sur cette
course il y a juste une semaine, qui me confirme (comme tous les autres
Toristes) que cette SP360 est bien plus difficile que le TOR. De part sa
technicité, ses 30 kil supplémentaires, son peu de secteurs courables, les
difficultés pour se reposer, les approximations récurrentes… Au col des Portes
de l’Hiver je le quitte et me remets à courir. J’ai encore des jambes, et le
bidou va un poil mieux, même si il ne se fait pas oublier.
Lac Vert, puis lac de Chésery, au loin j’aperçois Morgins où le ravito sera synonyme de dodo. Je me mets en tête de faire toute la descente en courant, pour arriver avant la nuit. Je rattrape quelques bonhommes, dont la cohorte singapourienne qui avance avec peine. La foret le long du ruisseau a raison de la clarté et je dois chausser la lumière pour un kilomètre, mais je me suis fait plaisir sur cette section de 9 kilomètres et 800 D-.
Lac Vert, puis lac de Chésery, au loin j’aperçois Morgins où le ravito sera synonyme de dodo. Je me mets en tête de faire toute la descente en courant, pour arriver avant la nuit. Je rattrape quelques bonhommes, dont la cohorte singapourienne qui avance avec peine. La foret le long du ruisseau a raison de la clarté et je dois chausser la lumière pour un kilomètre, mais je me suis fait plaisir sur cette section de 9 kilomètres et 800 D-.
Morgins, kilomètre 320, dernier
dodo. Ravito habituel, mes chaussures pour des tomates ou des abricots !
Besoin de verdure et de vitamines ! Mais l’inégalable Ji-Pé, accompagné de
la douce Claire, nous ont dégotté une pizza !!!! Yyyyaaaoooouuuu…pur
régal ! Il est 20h40. Antho arrivé à 20 h part à l’instant se coucher pour
2h30. Il souffre toujours du TFL. Je vais prendre moi le temps de bien m’étirer,
me soigner, et le luxe de dormir 4 heures pour m’accorder une dernière ligne
droite dans les meilleurs dispositions.
Frugal dîtes-vous ?
A peine couché j’ai déjà
l’impression qu’Antho vient de repartir. Rêve ou réalité ???
01h30, Ji-Pé me réveille. En
effet Antho est reparti à 22h30, il voulait en finir au plus vite et n’a dormi
qu’une heure trente. Il avait des yeux de zombie paraît-il. Je suis pour ma
part bien dispo, et, chargé de thé dans mes gourdes, je kiss Ji-Pé et Claire
qui vont enfin eux essayer de dormir un peu au prochain ravito après avoir veillé
sur nous. 2h10 du mat’ je décolle dans l’humidité, 3h40 après Antho, je ne
pense pas le revoir mais chacun mène sa course comme il le sent au mieux pour
lui.
Le challenge pour moi est
d’atteindre désormais l’aube sans signe d’endormissement. J’ai toujours en tête
d’arriver dans les prévisions d’Antho, à midi. Mais si c’est plus, je m’en
balance… Moins de 10 h pour faire les 40 derniers kil avec 2100 D+ et 3100 D-.
Allez zou, je pars solo, in the night. 700 D+ qui ne rigolent pas avec quelques
travers, quelques coups de culs et un final à la con dans une pente terrible.
J’aurais rattrapé 3 types, je suis seul au sommet du Bec du Corbeau. De là, descente raide pour de vrai (putain on a été bénis par la météo !!!) vers
les Portes de Culet. Des lumières partout au loin, on est plus en haute
montagne, çà sent l’écurie. Je file toujours bon train jusqu’au ravito de
Conches (kil 327), accueilli par deux charmants hôtes dans leur petit nid
douillet. Tout attentionnés envers moi ils me servent un riz chaud délicieux.
Je veux repartir au plus vite pour garder ma dynamique, mais je regrette dès
les premiers hectomètres de ne pas en avoir pris plus, rien que pour les
remercier de leur hospitalité.
Nouveau D+ costaud sur crête
jusqu’au Col de la Croix. Passages aériens casse-gueule alternent avec sentiers courables. Ne pas relâcher l’attention, ni le rythme. Au loin devant une grande étendue
noire, ce doit être le lac. A droite, les milliers de lumières de la moche
vallée du Rhône suisse. En haut la Grande Ourse et ses collègues les étoiles. Le
bonheur, bah il est là.
Il est là jusqu’à ce qu’au col de la Croix, où je
m’égare 2 minutes, je me mette à descendre dans le pentu vers le ravito de
Torgon et que la fringale me rattrape. A trop vouloir faire le malin à courir
et me dire que j’arrive, j’ai zappé l’essentiel. Me voilà à fouiller dans
toutes mes poches pour trouver des bonbons, une Mule Barre tomate, des fruits
secs et….une barre Ovomaltine donnée par Antho (bah oui, je me suis aperçu la
veille du départ que j’avais oublié toutes mes barres sportives et mes gels à
la maison….heureusement Antho et Max ont pu me dépanner). J’engloutis tout
cela, en marchant sur un terrain courable, m’auto flagellant de ne pas avoir
avalé plus de ce magnifique riz de Conches ! Quel naze !!! Je n'aurais pas eu assez d'hallucinations pour voir la vache Milka, ni le lapin qui met le chocolat dans le papier. Mais au moins, j'aurais eu ma barre Ovomaltine...et c'est de la dynamite !
Légèrement reboosté je rattrape
la troupe singapourienne, asiatiques reconnaissables entre mille depuis l’arrière par leur démarche chancelante aux jambes écartées sur petit thorax. Des zombies je vous
dis, des zombies. Ils sont partis 4h avant moi de Morgins. Soit ils rament soit
ils ont dormis quelque part. Final dans le single-track de l’école de VTT de
Torgon, et je débouche sur le village à 6h40 dans les premières lueurs.
Ji-Pé et Claire sont surpris de me voir si tôt. Antho arrivé à 5h45 vient de repartir il y a 25 minutes. Je viens donc de lui reprendre 2h40 en 20 kilomètres. Il est en fait parti sans avoir assez dormi et s’est écroulé de fatigue dans une cabane avant Torgon (là où j’ai eu ma fringale) pour récupérer. Comme quoi la gestion du sommeil est l’élément essentiel de ces courses. Avec tout çà je me dis que je vais pouvoir peut-être le rattraper d’ici l’arrivée, probablement dans la dernière descente, vu que je peux encore courir, ce que ne lui permet plus son TFL. Pour fêter çà, et grâce là aussi à nos charmants hôtes de l’Ecole de Ski de Torgon, je m’enfourne goulument des tartines beurre-confiture et Nutella. Un bien fou putain.
Dehors le soleil se lève, sur le 7° et dernier jour de course… Malgré l’épuisement et les douleurs physiques nous avons tous le sourire : Jacques que j’ai retrouvé ici, comme le gaillard Jean-François et ses deux potes, mais aussi le beau Hollandais Robin.
Ji-Pé et Claire sont surpris de me voir si tôt. Antho arrivé à 5h45 vient de repartir il y a 25 minutes. Je viens donc de lui reprendre 2h40 en 20 kilomètres. Il est en fait parti sans avoir assez dormi et s’est écroulé de fatigue dans une cabane avant Torgon (là où j’ai eu ma fringale) pour récupérer. Comme quoi la gestion du sommeil est l’élément essentiel de ces courses. Avec tout çà je me dis que je vais pouvoir peut-être le rattraper d’ici l’arrivée, probablement dans la dernière descente, vu que je peux encore courir, ce que ne lui permet plus son TFL. Pour fêter çà, et grâce là aussi à nos charmants hôtes de l’Ecole de Ski de Torgon, je m’enfourne goulument des tartines beurre-confiture et Nutella. Un bien fou putain.
Le trail c'est bon comme du Nutella 😂
Dehors le soleil se lève, sur le 7° et dernier jour de course… Malgré l’épuisement et les douleurs physiques nous avons tous le sourire : Jacques que j’ai retrouvé ici, comme le gaillard Jean-François et ses deux potes, mais aussi le beau Hollandais Robin.
7h10 je décolle avec Jacques et
Robin, à la poursuite d’Antho une heure devant, mais surtout à la recherche de
la veste de finisher. Une vingtaine de kilomètres qui devrait ne pas être
complexe, mais dont je me méfie vue les surprises récurrentes des
organisateurs.
Photo by Robin
Passage sur un super pont de singe, puis attaque du 555 D+.
Jacques est en forme et enquille sévère. Je le suis mais perd sur lui petit à
petit. Il va faire chaud aujourd’hui je transpire déjà. Encore quelques
passages à la con sur les crêtes avant le col du Blansex puis descente vers la
Bataille. Je rattrape Jacques qui a retrouvé le groupe de Jean-François parti
bien avant, car je peux courir en descente. J’ai dans la tête cette possible
idée de retrouver Antho, donc je cours ce 20kil comme sur un 70 en relançant régulièrement,
mais en mangeant…
La dernière bosse, la voilà, c’est la terrible
bosse de 375 D+ vers le lac de Taney. Ca
se joue sur de la piste, quasi fermée à la circulation, et ouverte aux
promeneurs. Et allez savoir pourquoi, on va tous dégoupiller ! Dans la
chaleur de ce petit matin, on va se la jouer kilomètre vertical, comme si l’on
étaient pas partis depuis une semaine, comme si notre honneur en dépendait. La
pente est vraiment très costaud, mais nous voilà à suer sang et eau. Jacques et
Jean-François quelques 50 mètres derrière voient bien que je veux jouer, et me
répondent. Ca balance sévère sur les bâtons, çà ahane fort, çà s’encourage, çà
s’invective, c’est du grand n’importe quoi…un pur moment d’adrénaline. Arrivés
au Col du Taney, inutilement explosés, nous éructons de joie de ce tour que
nous venons de nous jouer, de ce pied de nez à notre épuisement. Cela ne sert à
rien, c’est ce qui le rend savoureux !
Le lac de Taney
9h45, à quelques encablures, au
ravito de ce lac de Taney que je rêvais de voir (mais qui a contre-jour perd un
peu de son charme) je distingue la silhouette d’Antho. Ca y est on se
retrouve ! Quel plaisir ! Dans les bras l’un de l’autre, tout se
relâche. Il m’annonce des patates avec de l’huile d’olive à dispo ! Les
bénévoles ici sont à nouveaux royaux, aux petits soins. Je me fais trois
sandwichs patate/fromage/patate. Je laisse pendant de temps là partir le groupe
Jean-François + Jacques et Antho. Je suis un peu plus rapide en descente je les retrouverai.
Je suis bien ici, le D+ est terminé, il ne reste plus que 11 kilomètres et 1100 D-. Les bénévoles recherchent 3 coureurs égarés depuis Torgon. L’un d’entre eux arrive (celui avec qui j’étais à Chaux Pâlin) : le baliseur du 35 K a mal fait son taf’ et l’aiguillage inexistant entre les deux parcours les a envoyés depuis 2h30 vers un autre col. Il y a de quoi être passablement énervé…
Je suis bien ici, le D+ est terminé, il ne reste plus que 11 kilomètres et 1100 D-. Les bénévoles recherchent 3 coureurs égarés depuis Torgon. L’un d’entre eux arrive (celui avec qui j’étais à Chaux Pâlin) : le baliseur du 35 K a mal fait son taf’ et l’aiguillage inexistant entre les deux parcours les a envoyés depuis 2h30 vers un autre col. Il y a de quoi être passablement énervé…
Je redémarre, mais bizarrement je
ne suis plus vraiment à la course, comme si celle-ci s’était terminée à Taney.
On a recommencé depuis ce matin à croiser des voitures, des randonneurs,
entendre des sons urbains. Nous ne sommes plus isolés, loin de tout, notre
course est « pénétrée, partagée ». Néanmoins il faut descendre, mais
mes jambes elles aussi semblent arrêtées. Je dois me faire violence pour me
relancer, mais je suis serein car j’entends Jean-François au loin. Je reviens
doucement vers eux mais m’aperçois qu’Antho et Jacques ne sont pas là. Mince,
il va falloir que j’enquille, que j’arrête de rêver. Je les double et galope
tant bien que mal jusqu’à Chalavornaire, 10h50 ! Et là, en même temps,
deux superbes apparitions : une sexy traileuse du samedi et en contrebas
le lac et l’arche d’arrivée. Putain l’émotion !
Vue plongeante, sur l'arrivée !!!!!
Vite contenue…faut que je
retrouve Antho et Jacques, la miss les ayant croisés il y a 5 minutes. Mince,
ils courent où quoi ? Gros doute dans ma capacité à les récupérer quand
malgré l’enchaînement des virages en épingle incessants et rébarbatifs qui ne
me font perdre que 2 mètres négatifs en 200 mètres (j’ai faillit couper droit
dans la pente putain) je ne les vois toujours pas. Et les jambes qui n’en
peuvent plus, les pieds qui chauffent, je ne tiens plus le rythme. Je m’entête une
dernière fois tout en hésitant à appeler Antho pour qu’ils m’attendent, dans
cette nouvelle succession de lacets. Au loin un trio italien. Lorsque je les
double à une vitesse infra sonique, avec moultes Forza Italia, j’aperçois mes
deux compères. Ouf ! En effet ils trottinent, autant par empressement
d’arriver que de lassitude de cette section.
Bon an mal an, nous voilà en bas
de cette foret, débouchant dans la vallée sur les premières maisons du
Bouveret. Jacques a l’immense gentillesse et humilité de nous demander si nous
voulons finir ensemble Antho et moi. Il n’en est pas question ! Nous avons
passé tellement de moments avec lui qu’il n’est pas pensable de ne pas finir
tous les trois. Voici le bitume, et avec lui les premiers élans d’émotions. Les
encouragements de badauds, puis le passage de la voie ferrée.
Ca y est, nous
sommes au bord du lac, il reste moins d’un kilomètre, au loin on distingue
l’arche sous un franc soleil. Tous les trois, au même moment, ne disons plus
mot. Chacun renifle. Les larmes sont là, libératrices de l’accumulation de
tension et de fatigue. Nous en rigolons : « il va falloir garder les lunettes
de soleil jusqu’à la ligne ». Les tifosi des italiens nous encouragent,
nous avons l’insoupçonnable force de presque tout finir en courant.
C’est savoureux,
nous jubilons, jouissons réellement de ces derniers instants. Il y a 6 jours
nous partions dans une course que nous ne supposions pas si difficile. 143 h
après nous voilà encore valides et emplis de joie après une semaine incroyable.
Voilà, il est midi pile. Ji-Pé, qui
mérite comme nous son titre de finisher, et Claire nous applaudissent. Dernier
virage. Main dans la main, le torse haut. Nous y sommes. Finishers d’une sacrée
aventure.
327 au départ, nous nous classons 118°. Il y aura 193 finishers.
L’organisation a mis en place une
super zone d’arrivée avec toutes les commodités et festivités. Il est temps
maintenant de savourer mais je n’ai envie de rien, juste de partager avec mes
amis, félicités par d’autres coureurs ou des inconnus.
Mes proches me contactent pour me féliciter, pleins d'émotions. Laeti m’appelle, je
n’arrive pas à lui parler, je ne peux
que pleurer. 10 minutes plus tard ce sera la même chose. Difficile dans ces
moments d’à la fois savourer, relâcher, redescendre sur terre, s’exprimer…sans
repenser à ce qui nous a mené ici et grâce à qui. Mon égoïsme pour ma
discipline n’a d’égal que l’amour, les sacrifices et la force de ma Laeti. Je
lui suis tellement reconnaissant.
Epilogue
Le temps passé à savourer, et à voir peu après arriver Maxime et Alex les suisses, Jean-François et sa troupe,
Cheville…nous allons récupérer les sacs base de vie, dans une tente non gardée
où chacun peut se servir. Nous cherchons nous même nos sacs, choqués lorsque
l’on sait la valeur du matos qu’il peut y avoir dedans.
Le buffet à volonté mis à disposition
au resto est lui tout à fait savoureux. J’y resterai plus de deux heures à me
faire péter le ventre avec Antho puis Robin, avec vue sur le lac Léman.
La pizza du soir, au resto de la
joviale patronne passera comme qui rigole grâce au bon vin du Valais.
La nuit sera agitée, difficile,
comme pour expier tous les maux restants. A 3h du mat’ je me lèverai en sueur pour
accompagner mon ami Apos sur la ligne d’arrivée. Il est lui aussi passé au-delà
de tout pour arriver au bout. Je suis heureux pour lui, pour qui la prépa était
loin d’être optimale, mais dont le caractère a forgé sa réussite. Il sera
indignement accueilli avec sa comparse par deux bananes, 4 quartiers d’orange,
une assiette de carrés de chocolat, un sachet de Tuc, 3 rondelles de salami et
4 morceaux de pain. Rien de bien réconfortant, même pas une médaille…
L'arrivée d'Apos, et son Monkey Smile ! 🙉
La cérémonie des finishers du
dimanche sera belle, enjouée. Impossible de faire deux pas sans être enlacé ou
embrassé par un de ces coureurs que l’on a croisé 5 minutes ou 5 jours sur les chemins
valaisans.
Au bout de trois jours ceux qui devaient abandonner l’ont fait
(j’aurais pu en être) et les restants se sont soudés, reconnus, soutenus. Cette
notion de « famille » m’a été très fortement ressentie au fil des
kilomètres restants, et encore plus une fois la ligne franchie. Quelque chose de
très fort, très intime, palpable, que je n’avais encore jamais connu. J’ai le sentiment que seul ce
type de course sur plusieurs jours peut me l’offrir.
Ivresse sur le podium
With Robin 💪
Jean-François - Maxime - Sylvain - Anthony - Jacques
Avec Apostolos 😉
Alors oui je me suis
préparé physiquement et mentalement pour la courir, j’y ai mis un paquet d’euros
sur la table. J’ai eu la chance d’avoir un ami formidable qui a pris 10 jours de
congés pour moi et a assuré comme un chef pour nous mettre Antho et moi dans
les meilleures conditions.
Je t'aime Ji-Pé 💖
Parce que nous l'avions parié…💥
J’ai eu Antho à mes côtés, plus que je ne l’aurai
espéré, qui m’a été un compagnon, désormais un ami, idéal, attentionné et
jovial.
Bravo mon ami !😎
Mais malgré tout cela je suis parti pour essayer de comprendre ce
format, et sans savoir si j’en viendrai à bout. C’est ce doute qui donne la
beauté à la chose, s’embarquer dans un truc qu’on ne maîtrise pas, où chaque
pas est découverte. Parti chercher un ailleurs, dans un entre-temps, un
entre-nous parfois, un entre-soi surtout…dans une autre dimension jamais jusque
là connue. Et maintenant je peux dire que j’ai
« sur-kiffé » !!!!
Le plus difficile finalement dans
un 300 kil ce sont les 2 jours d’après, quand les douleurs dues aux œdèmes des
genoux, mollets et pieds t’empêchent de te mouvoir sans mal, quand le
sommeil est tant haché et perturbé qu’il te semble un cauchemar, quand les
suées noient ta couche de tout ce qu’il a à évacuer de ton corps. Quand surtout
tu percutes que tu étais si bien là haut, dans un monde où nous fûmes nous, à
mille lieues de tous soucis de la vraie vie. Qu’à cet instant où tu es
redescendu pour toucher le bitume, tout t'es devenu subitement inepte et
accessoire, mais que plus rien ne sera pareil…car tu es Finisher !
Epilogue 2 : les photos que j'ai toujours oublié de faire...😂😂😂
Les genoux 2 h après (et 24 h après ce fut bien pire)
Les pieds 24 h après
Antho : 10' avant le départ (en haut) + 10' après l'arrivée (en bas)
Sylvain : arrivée (en haut) + départ (en bas)
Merci pour ce magnifique compte-rendu, je m’y suis retrouvé.
RépondreSupprimerVincent dossard 213 et finisher de cette aventure absolument folle.
I translated your whole scrip in Google Translate, man I n joyd your version, great story. Hope to meet you again during a race, you allready planns for 2019, let me know :-) Thank you Sylvain for meeting you, funny to read you guys where constantly around in the race..., you slept a bit more i can say. Love x Robin Kinsbergen - Pay Bas
RépondreSupprimerAu plaisir de te (vous) recroiser sur les sentiers ou ailleurs ...''que du bon'' pour la suite et repose toi bien.Jean-François (ou jean michel si tu préfère)
RépondreSupprimerJ'ai lu très attentivement ce compte rendu qui mériterait d'être publié dans un magasine de trail. Dans tous les cas Bravo!
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