Une Team Fox-Naka au pays de la Bête...du Gévau !!!

Le Gévaudathlon ! Voilà une course qui sonne bon à nos oreilles de Renards depuis des années, qui attire nos pattes de canidés, sur le territoire de la bête…du Gévaudan !

Une course à haute réputation pour sa difficulté, ses paysages, son plateau relevé de niveau national, sa folie. Alors je m’y inscris en compagnie de Denis. Malheureusement, à quelques jours de l’échéance, celui-ci a un empêchement et ne pourra m’y accompagner. Pas du genre à lâcher devant de tels défis, je me lance dans celui de trouver un nouveau compagnon d’aventure. Chris, le gourou Naka, me parle d’un potentiel futur Naka (potentiel car chez eux il faut passer des épreuves, faire ses preuves, être intronisé…ça se mérite le maillot zébré), Thierry de Bisca. On se tél trois fois, se brief’ pour l’orga, et on se retrouve le matin même de la course à Roby pour partir en Lozère. 4h30 de route suffisent à faire connaissance, en compagnie de papy Jean qui aura un rôle prépondérant sur cette course. En effet le Gévau est une course à 2, avec un assistant qui devra pendant 2 jours et demi nous retrouver à chaque étape pour véhiculer tout le matos de raid. Et au vu du parcours, ça ne va  pas être de la tarte… Le « rôdé » papy Jean comme dit Chris devra assurer dans son job de 3eme coéquipier.

Jeudi, Marvejols, dans un recoin de la Lozère. 63 teams retirent leurs dossards pour cette 17°édition. Un coup d’œil sur leurs noms suffit à se dire que le plateau est très relevé. A venir dans ces coins de France on se frotte à des équipes du Sud-Est, du Centre et de l’Est, qu’on n’a pas l’habitude de voir, mais d’un super niveau français, voir international. Rentrer dans les 15 serait donc une perf’ et dans les 20 un très bon résultat. On va partager ces bons moments avec Cyril et David, les Serial Naka que l’on côtoie depuis un petit moment déjà, aux ambitions légitimement plus élevées que les nôtres.
 
 (et bien si on a la place de notre n° de maillot...)

Une dernière info avant de vous lâcher dans la 1° épreuve : le Gévau est une course atypique. Chaque section a son propre classement au point. L’équipe qui met le moins de temps à la faire (sanctionnée ou non de pénalités pour balises oubliées et parfois temps limite dépassé) a le maximum de point (100). Néanmoins les épreuves n’ont pas toutes le même coefficient (celui-ci va de 1 à 3). Donc les épreuves rapportent aux meilleurs de 100 à 300 points. Le cumul des points des épreuves donne ensuite le résultat final. Nous sommes donc sur une course très stratégique où il faut en théorie privilégier la performance sur les sections à fort coefficient.

Bien, voilà que la nuit tombe. Marvejols s‘endort, les raideurs se réveillent. 22h, la première team est lâchée sous la porte de la citée pour une VTT orientation de 10 balises à trouver en 1 heure max. 10 minutes de pénalité par balise non ramenée, 3 minutes de péna par minute entamée au delà de l’heure fatidique.
(prise de carte, et de décision)
 
Notre tour venu, on décolle…mais vite scotchés par une terrible bosse d’entrée de jeu. On est pourtant encore sur du bitume mais je dois mettre pied à terre avant la fin. Thierry pousse un peu plus loin et abdique. Boudi ! Déjà 3 minutes de courses et on est en sueur, les jambes qui cartonnent.
 
(les empreintes du Renard sur les traces de la Bête) 
 
Nous voilà sur le plateau au-dessus de Marvejols. Les sentiers s’enchainent pour trouver aisément les 4 premières balises. Néanmoins certains passages sont chauds-bouillants au-dessus du vide, sur des singles de folie, remplis de cailloux. Heureusement qu’il ne pleut pas, sinon gros danger…Je me paye une première glissade après la 3 et Thierry un premier saut de chaine après la 4. Sur la montée vers la 5 je suis en peine. Déjà lors de l’échauffement je sentais que les jambes n’étaient pas top aujourd’hui. Thierry me dépose à l’aise, je ne suis pas à mon meilleur niveau. 2 petites erreurs d’orientation vers la 6, aller-retour insipide vers la 7, on déboule à la 8. 55 minutes se sont déjà écoulées, il nous reste 2 balises, dont la 10 à l’autre bout du monde. Je décide qu’on rentre à la City, on déboule dans les ruelles...stop chrono à 59 minutes, un poil déçus de laisser deux balises, dubitatifs quand à l’autre choix potentiel d’aller chercher la 9 (mais le temps aurait été dépassé de 3 à 4 minutes), déçus de ma mauvaise forme physique.
 
(mouais...bon...on verra demain...y fera jour)
 
On rentre fissa à notre gîte à 15 minutes, faire dodo à déjà 1 heure du mat’…c’est demain que les choses commencent…
 

Vendredi. Levés 6h, départ 6h50, 1h de route vers Cauvel, sur le Causse de Sauveterre, à la sortie des gorges du Tarn. La journée s’annonce splendide, à remonter toutes les gorges, de toutes les façons possibles, à toutes les hauteurs possibles...

Briefing à 8h. Le départ se fait dans l’ordre inverse du classement de la veille. Et ben on s’en est pas mal sorti hier, on est 16°/63. Le choix tactique a été bon pour cette épreuve de coeff 2. Avec mes jambes OK on aurait pu accrocher la 7 ou 8° place. Mais avec des si….


Lumières splendides sur le plateau, au milieu des pins, perdus sur des pistes. Départ d’un VTT road-book de 16 km. Alors là c’est comme le Paris-Dakar : vous avez une feuille avec un kilométrage total, un kilométrage partiel (entre chaque intersection), un dessin de l’intersection de chemins sur laquelle vous arrivez, et une direction à prendre (à droite, à gauche…). Il faut suivre scrupuleusement les indications et en théorie on s’en sort. Mais l’idée c’est de rouler vite et de ne pas stopper à chaque croisement. Alors on à un œil sur le porte-carte pour lire les indications, un œil sur la route pour éviter les trous et rochers, deux jambes qui tournent, un cœur qui palpite, et deux mains qui tiennent fortement le guidon parce les sentiers de Lozère çà secoue !!! Même pas le loisir de trop allumer la Go Pro tellement une seule main sur le guidon serait dangereux. Donc peu d’image « inside ».

 (et c'est parti !!!)
 
Allez hop, à notre tour de décoller. Le compter est réglé à merveille et j’enquille les indications sans problèmes, mis à part un petit détour de 2 minutes perdues en début de section. C’est technique et il faut bien suivre le road book sous peine de facilement se perdre. Les vues au-dessus des gorges du Tarn sont somptueuses mais difficiles à apprécier. Thierry est bien à l’aise, mais moi je le suis bien moins physiquement. Les jambes ont du mal à répondre dès que ça monte un peu. On arrive néanmoins à suivre le bon rythme de certaines équipes et à se régaler dans ce parcours 100 % single tracks.  
 
Aux deux-tiers de la section nous arrivons à St Rome de Dolan, splendide village surplombant les Gorges. Il va falloir se taper maintenant une descente de 500m D- dans les gorges (sur le sentier que tu avais pris Denis lors de l’Endurance trail).
 
 
Ca commence très fort dans un petit sentier, puis vite dans les cailloux, les pierres, les racines. Moi qui ne suis pas fin technicien de descente j’essaye de lâcher les freins mais je me fais des frayeurs. Certaines équipes dévalent d’une façon incroyable, je suis admiratif. De mon côté les freins chauffent. A la faveur d’une courte section de route Thierry part en tête à fond comme au tour de France. Il est parti devant moi (ne jamais partir devant la carte !!!) et ne m’entends pas lui gueuler (de ma voix faible enrouée par un rhume) de tourner à droite. Me voilà à l’attendre 2 minutes qu’il revienne penaud, se retapant une montée. On prend le chemin, et à quelques encablures des Vignes, sur le Tarn, je me prends une gamelle d’un autre monde. Cul par-dessus tête, le vélo en travers, le genou sur un rocher, le tibia conter la caillasse. Les gars derrière ont eu peur, moi je n’ai pas eu le temps et je fais le ckeck-up rapide : le vélo est OK, mais le bonhomme est touché ; genou et tibia écorchés. A première vue il n’y a que du « vernis » qui a sauté, mais le genou couine et pisse le sang. Pas le moment de tergiverser, remettre le fer à l’ouvrage, continuer la course pour ne pas penser à la douleur. Nous voilà à retrouver papa en bord de Tarn pour un changement d’épreuve.
 
(nettoyé ça fait moins peur... ;) )
 
Un bénévole veut que je vois un médecin, que dalle ça attendra ce soir. Un coup d’eau sur les plaies, rien de profond, c’est du tout bon… On s’en sort moyennement sur cette section avec le 27° score, mais purée que ce fut technique. Mes Renards se seraient régalés.

Départ en trail. Du fond des gorges où nous sommes il va falloir remonter 500 mètres plus haut au Point Sublime. Mais d’abord, une petite spéciale Gévau nous fait cheminer un kilomètre dans les amoncellements de rochers charriés par le Tarn. On marche, on escalade, on se trempe, on se pousse, on rigole. Pas le temps de délasser les jambes…

(et ça le fait rire Thierry !)

(trail on the rocks !)

Nous voilà dans le Cirque des Baumes, il faut s’attaquer la montée. Il est encore tôt ce matin mais il fait chaud. Pas d’air dans le Cirque. La montée est raide, tout à fait le style que j’aime. Mais mes jambes ne sont toujours pas là, et mon point faible commence à se pointer : hyperthermie. Donc je me déleste de mon t-shirt et de mon casque, boit au max, et met la machine en mode moral. D’autant plus rageant que Thierry est toujours en super forme et se régale. Je lui fais part du fait d’être désolé de ne pas être à la hauteur, et il m’encourage, me « désinquiète », me rebooste comme il peut : super état d’esprit. Au moins je n’ai pas le fardeau de me tire que je le fais chier…

(chaud...)

Enfin on sort sur le Causse, au point Sublime, sans s’être fait rattraper mais en ayant pris quelques teams. Le résultat est moyen (24°, coeff 2), décevant au vu de notre potentiel non exploité (11-12° à mon avis), mais au moins là-haut je respire enfin avec l’air revenu. On va pouvoir passer à autre chose…

Papa n’est pas là. Il nous a déposé ici un VTT pour repartir vite au prochain village pour être certain de nous y trouver. La section à venir de Bike and Run de 7 km (coeff 1) s’annonce rapide car relativement plate… Bon je retrouve un peu mes cannes et ont peu accélérer et doubler quelques équipes.
 
Par le plus beau des hasards le village d’arrivée est celui de Cauquenas ! Cauquenas hameau lozérien d’une quinzaine de maisons dans lequel j’ai passé quelques mois d’août en famille il y a maintenant 30 ans… Très touchant de retrouver ce lieu, dans cette ambiance magique du Causse, désertique, aride, rude. Nous finissons la section en même temps que le berger du village avec le 24° chrono.
 
(Berger : est-ce toi, fils de berger il y a 30 ans, avec qui je passais mes matinées dans la bergerie et dans ton hameau à jouer pendant mes mois d'août ? Je ne le saurai pas. La beauté du mystère demeure...)

Jean est bien là, et nous a préparé tout le matériel : les 2 VTT, les chaussures, la caisse de ravito, ses encouragements. Le 3° équipier se débrouille comme un chef, et pourtant ce ne doit pas être facile entre les VTT à charger à chaque fois sur le porte-vélo, les routes à trouver, la chaleur, l’acheminement du matériel à la main parfois sur certaines zones de transition. Mais au moins nous sommes rassurés de son efficacité depuis hier.
 


Départ pour un VTT suivi d’itinéraire (l’itinéraire à prendre est tracé sur la carte que l’on nous donne. Reste à le suivre…) de 17 km, coeff 2. Ca devrait se faire rapide car en gros il faut aller retrouver Ste Enimie en bas dans les gorges, et puis papa nous l’annonce facile. C’est parti pour une descente un peu technique, mais on enquille. A la route de la Malène on est revenus sur 4 équipes. De là commence un petit sentier qui remonte vers le plateau. Et bien à partir de là le temps m’a paru vachement long !!! Les jambes ont totalement disparu, le moral au loin lui aussi. Thierry qui crapahute en tête, les équipes qui me lâchent ! Purée mais qu’est ce qu’il y a encore !!!! Pourquoi n’ai-je aucune force aujourd’hui ? Voilà 4 heures qu’on avance et c’est toujours pas revenu !!! Heureusement je reste lucide et parvient à bien m’orienter. Je constate au loin devant moi pas mal de mauvais choix d’itinéraire de la part des équipes. Je suis super déçu de mon physique ! C’est au mental que j’arrive à Lous Labagnols, un lieu-dit qui nous offre un beau panorama dans une mini gorge qui va  nous amener dans les Gorges du Tarn.
Mini gorge mais maxi pente, et maxi technicité. C’est reparti pour un single de folie. Je me suis rarement tapé des parcours aussi costauds en descente. Je ne suis pas forcément rassuré au vu des précipices que l’on longe, juste la place pour passer un vélo. Mon genou tremble de ne pas vouloir rechuter, ce que je refais quand même, mais sans gravité… On reste prudent, histoire de ne pas casser les organismes ou les machines. Mais dans un virage pourtant insignifiant….pppsscchhhhhh….le pneu arrière dégaze !!!! Merde !!!! Je stoppe vite et hèle Thierry parti devant. Peur d’avoir déchiré le pneu, synonyme alors d’abandon. Heureusement ce n’est qu’une micro-déchirure du Tubeless (y avait plus de produit…).
(pit-stop au-dessus des gorges)

On perd 5 bonnes minutes à mettre une chambre à air, au milieu des cailloux. Et c’est reparti pour une fin de descente encore plus sulfureuse. Ouf, voici le Tarn ! On le traverse, vélo sur le dos en évitant des canoës.

De l’autre côté c’est une très longue et lente progression sur un petit sentier cassant. Enervant par endroits pour le nombre de portages ou poussages à effectuer (secteurs de la Caze et de St Chély), stressant pour moi car la roue arrière n’est pas gonflée comme il faudrait et j’ai peur d’exploser le pneu à chaque pierre, flippant enfin quand dans un manque de lucidité complété par le fait que nous n’ayons vu aucune équipe depuis 20 minutes me fait croire que nous avons pris le chemin dans le mauvais sens après avoir traversé la rivière. A St Chély une gentille touriste effrayée par l’état de mon genou me propose de l’eau pour le nettoyer…sympa !

Enfin, après tant de dizaines de minutes de progression peu agréable nous voilà en vue de Ste Enimie, le moral et le physique un peu dans les chaussettes, quelques gouttes de pluie rinçant la sueur accumulée. Le mal est fait au classement : 30° score.
(non, même pas cap' de les descendre en VTT...) 

Fourbus on s’assoit rapidement pour se restaurer auprès de Jean. Mais il nous faut repartir pour une course de montagne : un trail de coeff 1 nous fait remonter de la rivière jusqu’au Causse Méjean. Là aussi un D+500. Traversée de rivière à nouveau et on enquille la pente de suite.

 
Et sans prévenir mes jambes reviennent, après 6h de course, et avec cela le sourire. Alors on profite à peine des splendides panoramas pour pousser fort sur les cuisses.
 (touristes dans les gorges)
 
 Certains passages bien raides font plaisir. La progression est bonne, on est bien tous les 2.
 
 
 Arrivés sur le plateau, il reste un bon kilomètre à parcourir. Au moment où je recale un équipe partie sur un mauvais cheminThierry accuse un coup de mou…qu’il va trainer jusqu’à la fin de la course. Décidemment nous n’auront pas été physiquement en phase aujourd’hui. Mais çà c’est le hasard de la forme. Heureusement nous nous entendons super bien et partageons un moment très convivial, ce qui n’est pas aisé lorsqu’on s’engage dans une telle épreuve sans se connaître. Chris : tu as eu le nez creux, merci !

Nous voici enfin aux bénévoles qui nous valident la fin de la section (27° temps) et nous donnent les cartes de la prochaine course d’orientation qui se déroule autour du village de Chaldas, dans la majestueuse désolation du Causse Méjean.

On part assez vite, trop vite. En orientation la 1° chose à faire et de voir où est le Nord géographique et de lire l’échelle. Je regarde trop vite cette dernière et crois lire 1/15 000°. Je file dans un champ, Thierry avec moi, pour m’arrêter interloqué devant une clôture qui ne ressemble en rien à celle où je devais être, et surtout sans ruine que je cherche (la balise y est cachée). Vite fait je comprends : les cartes sont au 1/5000°…demi-tour honteux devant une 50aine de bénévoles et assistants ayant assisté à la cocasse scène depuis leur promontoire.
 
(oh la honte !!!)

Tout le reste s’enchaîne sans anicroche avec de bonnes attaques de balises sur une C.O très technique aux superbes paysages.

(balise juste sous nous, une autre en haut à droite)

Je suis content de ma prestation mais Thierry est fatigué et n’arrive pas à envoyer. On se fait plaisir néanmoins, à finir tels Laura Ingalls dans les prairies de fauche, pour rejoindre notre assistant de luxe.
(la famille Ingalls !)

37° temps seulement. Heureusement pour nous cette section sera ramenée d’un coeff 2 à 1 par l’orga suite à une bourde de leur part.

(toujours prendre le temps de rire)

Allez ça commence à sentir la fin…mais il faut se lancer dans la descente vers le Tarn, et le village quasi fantôme de Castelbouc. Une descente de 3 km (coeff 1) annoncée hyper technique, mes freins en tremblent déjà... Thierry en tête, il assure sans être rassuré. Il joue des freins à disques, moi des VBrakes…va falloir que je change les patins à la fin de ce raid ! On met pied à terres aux passages trop chauds pour nous (tout est relatif), on en est plus à quelques minutes de perdues… Thierry peste contre son dérailleur qui a dû sauter 10 fois depuis ce matin, sur un 27 pouces tout neuf ça le fait râler… Moi je me fais une belle frayeur en sentant la roue arrière qui se désaxe. Certainement mal resserrée après la crevaison elle est en train de se faire la malle…je rebloque tout, évitant le gros bobo. Arrivée au pied du château dans le minable 51° temps (deux fois plus que les premiers). Mais on pointe seulement au moment d’embarquer dans le canoë, celui-ci étant coeff 2.

Et là on retrouve des forces, de la vigueur, du plaisir. Cette rivière je l’ai descendue une quinzaine de fois, savourant à chaque le démesuré panorama des Gorges du Tarn. Papa m’y a appris à pagayer et diriger une embarcation. Là il faut se la jouer un peu plus physique en négociant au mieux avec les rapides et veines d’eau. On largue vite une équipe, et même si ça barbe Thierry de pagayer, on avance bien. Au dernier des 7 km du parcours on se prend de terribles rafales de vent pleine poire, qui font dévier le bateau, mais on se place comme il faut pour se mettre à l’abri. En visuel une équipe : je défie Thierry d’aller les chercher. Il me répond : « J’allais me demander quand tu allais te réveiller ! ». Dans un dernier effort on arrive dans leurs pagaies sous le pont de Ste Enimie, s’adjugeant le 8°chrono.
 
(La presque arche d'arrivée - Remarquez la maison troglodyte en haut à gauche)

Jean n’est pas revenu d’aller chercher les VTT à Castelbouc, alors on part fissa pour une CO mémo dans le village médiéval. Une carte fixée nous donne l’emplacement de la prochaine balise. Il faut retenir le parcours jusqu’à la prochaine, et ainsi de suite pendant 8 balises. Thierry n’arrive pas à redémarrer après le canoë, les jambes ankylosées. On s’arrache tout de même, en s’associant à une autre équipe. Il me semble qu’on oublie une balise à un moment, mais les 3 autres larrons sont confiants. Alors on déboule sur le quai pour enfin biper nôtre dernier boitier électronique. Pfffioooouuu, c’est pas trop tôt ! Presque 10 heures de raid, pour 2 700 mètres de D+. Sacrée journée ! On ne s’attendait pas à çà au vu des distances annoncées Ce fut dur, technique, engagé (très engagé parfois), tactique et époustouflant de paysages. En bref on est comblés, mais fourbus.




Maculés de sueur, de boue et de sang, je me décide pour un plongeon dans l’eau bien fraîche du Tarn, avant de vite plier bagage pour une heure de route vers notre gîte. Malheureusement, comme je le présentais, on a zappé une balise sur la dernière épreuve, crédité du 55°chrono (coeff 1 heureusement). Un paquet de points perdus bêtement !

Le bilan de la journée : 1 genou en vrac, 1 pneu abimé, 1 dérailleur défaillant, 1 assistant royal mais fatigué, 2 coureurs fourbus, un poil déçus mais lucides. La forme n’était pas là et les équipes engagées dans ce raid sont d’un sacré niveau ! Demain sera un autre jour…

 
Samedi

On a beaucoup dormi cette nuit, 7 heures : 2 fois plus que sur un raid PPA ! Royal ! Même orga que hier, mêmes horaires, on file au « Truc de Fortunio » au Nord de Marvejols. A quelques encablures il faut passer le Col du Cheval Mort…engageant…et atteindre ce point culminant sous des rafales de vent terribles, un ciel très couvert et un froid mordant !

(assistant tout terrain)

Bon, au moins les jambes ont l’air pas mal, le genou coince à peine, Thierry bien que frigorifié est motivé.
(briefing tout temps)

 (raideurs tout prêts !)

Départ face au grand lac de Charpal loin en contrebas, pour une C.O sur photo aérienne de 10 km et coeff 2. En gros le principe c’est une photo aérienne, sur laquelle sont placées 10 balises, qu’il faut aller chercher dans l’ordre le plus logique et le plus aisé. Et avec les pentes qui dévalent autour de nous il va falloir être rusés…comme des Renards.


J’ai fait mon choix d’itinéraire et on part driguedouiller dans les bruyères et myrtilliers, dans les forets de conifères et les gros amoncellements de rochers. Tout tourne à merveille, même qu’on a les jambes en feu. On boucle tout çà tranquillou sans réelles hésitations dans notre recherche de balises. D’autres équipes semblent bien en perdition tant physiquement que géographiquement. Et hop, voici le 12° chrono…çà fait des points ! 

Pas le temps de respirer, on prend un vélo, et on s’engage dans un bike and run de folie de 9 km (coeff 1) pour descendre à mollets et roues rabattues vers le village de Rieutort. Tellement heureux que les jambes soient là, et avec des passages techniques, le VTTiste a du mal à doubler le coureur. On se défoule. On se retrouve vite dans un groupe de 5-6 équipes qui envoie du bois et relance sans cesse. C’est la défonce totale !
(çà décolle...)

En trombe nous arrivons au village au milieu du marché, sous le soleil et les degrés retrouvés ce qui rassérène Thierry. 21° chrono, c’est pas mal. Jean est ravi de nous voir à la lutte avec les grosses équipes.

On enchaîne de suite, par un VTT Road Book de 15,5 km. On percute vite que le parcours va être moins technique qu’hier. Plus de routes, de pistes qui roulent. Ca va plus vite, de plus avec des jambes retrouvées. On remonte des équipes, favorisés en cela par une inversion de colonnes dans le road-book qui désoriente 8 concurrents à nos trousses. On enchaîne bien, malgré les récurrents sauts de chaîne de la monture de Thierry qui commencent à le faire bouillir. Je lui conseille de prendre sur lui et de faire avec….facile à dire. Dans l’attaque d’une grosse côte en virage il se fait stopper dans son élan par une concurrente en train de s’accrocher pour tractage à son coéquipier. Il peste fort ! La demoiselle est toute affectée…je la rassure. Plus loin, pendant que je double un gars qui pète sa chaîne sous l’effort, Thierry déraille à nouveau, et chute…c’en est de trop ! Il n’en peu plus et hurle dans ces contreforts de la Margeride. Allez, s’en est presque fini. On déboule à Lachamp assez satisfaits. 27° chrono. Jean va faire la tête en voyant l’état des VTT maculés de boue, qu’il va falloir qu’il recharge.

Au ravito, sublime bonheur : des pizzas !!! Savoureux moment, car au bout de 2 jours on en marre du sucré.

Allez, la première épreuve coeff 3 se pointe. Là il faut pas se louper. Un trail  balisé de 8 km. On part à toutes enjambées dans la descente d’un kilomètre, doublant 3 équipes.


Après on enchaîne fortes montées, descentes délicates, passages dans ruisseaux, grimpettes dans foret.

Super parcours, physique et un poil technique, qui nous correspond bien.


On suit une équipe qui envoie bien et on se fait rattraper par une équipe mixte dont le type est un avion. Celui qu’avait engueulé Thierry, mais qui tracte la demoiselle d’une efficacité ahurissante ! C’est une machine le type. De grandes enjambées de fou, la miss arrive à suivre, mais perd beaucoup de temps dans les passages techniques en descente. Sur la dernière montée ils nous mettent un vent phénoménal, laissant la bouche clouée des 2 autres équipes que nous venons de rattraper.

 
Pour pointer Thierry se tape un sprint, mais dans son élan dépasse le boitier de poinçonnage, et doit faire demi-tour. C’est ballot, ça nous coûte 2 places et 6 points (20° temps sur la section), mais si on s’arrête à ces détails…
(au sprint...)

Jean encore là comme il faut, qui nous indique avec 2-3  mots simples où se trouve notre matos tout près. Il peut même prendre le temps de nous photographier et nous indiquer les prestations des Serial Naka.

Avant-dernière épreuve maintenant. Un VTT road-book de 15,5 km, coeff 2.

Ca commence bien par une belle descente, mais s’enchaîne très mal avec un poussage de vélo très long sur un sentier pas assez porteur (cailloux, pierres) pour rouler. Il faut chaud, on est crevés, ça nous saoule vraiment. Le point négatif de ce Gévau, enchaîné avec une partie en suivi d’itinéraire là aussi assez incompréhensiblement rébarbatif en sous-bois. A sa sortie j’accuse un coup de mou passager, signifiant qu’il serait pas mal qu’on arrive parce que là ça commence à bien faire… Pas de problème d’orientation, je me retrouve facile sur une route après une belle bosse. J’attends Thierry à l’intersection, mais au bout de 30 secondes toujours personne. Inquiet je rebrousse chemin, sur 400 mètres, pour le retrouver à peine remonté sur son bolide. En colère contre ce dérailleur qui est contre nous. Il y a forcément un réglage à faire. Je regrette de ne pas avoir été là pour l’aider à débloquer la chaîne. Il s’en est vu tout seul le pauvre dans ce moment de désarroi. La dernière partie de la section est à nouveau bien technique le long de la Gorge de l’enfer, il ne vaut mieux pas regarder sur les côtés…frissons garantis. Enfin le dernier ravito, la dernière transition ! 44° chrono, vraiment pas folichon.
 
Encore des pizzas ! Miam !!! On allège nos camel-back, prêts à affronter cette ultime C.O à pied.

(explication de règles)
 
Il faut aller rejoindre Marvejols à une belle distance d’ici. Les montagnes environnantes sont occupées par 15 balises ayant chacune une valeur de points (de 7 à 39). Il faut donc trouver le parcours le plus intéressant pour glaner le max de points. Mais nous n’avons qu’une heure et quart pour se faire (après c’est des pénas).

(instant stratégie)

Je pars confiant, la carte à l’air simple. Je décide de laisser la balise 1 qui n’a que 7 points. La 7 en rapporte 9 et nous coûte bien des efforts dans cette petite montée. Je décide d’aller chercher la 15 presque tout en haut de la montagne, mais le choix s’avère mauvais. La pente est très forte, les chemins mal marqués, la carte en partie fausse. On galère grave à travers la végétation. Le temps défile. Le temps que je décide d’abandonner mon choix le temps à filé.
Je m’arrache les bras aux conifères, je peste pour la première fois de la course, car je sens qu’on est en train de perdre un max de points. Un peu perdu je peine à me recaler sur la carte. Le temps de le faire il ne reste plus que 30 minutes au chrono, et on est très loin de l’arrivée. On prend donc nos jambes à notre cou, lançant les dernières forces dans la bataille en essayant de rester lucides.
Pendant tout ce temps Thierry ne m’a jamais reproché quoi que ce soit, il m’a fait confiance, même si cela nous coûte ; super état d’esprit de mon coéquipier, nous avons formé une belle équipe ! Alors en passant on prend juste la 4 (39 points). Il ne reste plus qu’un quart d’heure. Il faut filer sérieux. En point de mire une équipe, ce qui nous booste.
On déboule dans Marvejols, je commence à être en surchauffe, les jambes qui hurlent de fatigue. Un crochet pour attraper la 13 au pied de la falaise, que Thierry a le courage d’aller attraper pour 17 points (j’en serai incapable). Plus qu’un gros kilomètre, et nous allons dépasser le chrono. A fond, à fond après 18 heures d’effort cumulés (et D+ 5000), pour éviter de prendre des pénas.

 (à l'arrache, tout donner, ne rien regretter)

Je m’écroule une fois la ligne franchie, il me faudra 10 bonnes minutes pour récupérer.


On a tout donné. Finalement on dépasse le chrono d’1’04’’ …6 points de péna. 59 points et 38° place sur cette section, finalement on limite la casse…mais on a pas été bon stratèges. L’optimum était de faire son parcours avec les 7 balises les plus cotées, quitte à dépasser le temps. Pas grave, manque de lucidité pour être au top à ce moment là.

 (Cyril m'explique leur parcours)

Nos amis des Serial Naka ont eux aussi eu leurs difficultés. Néanmoins ils glanent une belle 14° place. De notre côté c’est une 22° place qui nous échoie, elle nous satisfait amplement. C’est dire le niveau d’exigence et de compétitivité de cette course. Les 10 premières équipes sont juste d’un top niveau national.

Voilà, c’est presque la fin de notre 1° Gévau, un raid vraiment surprenant, à la hauteur de sa réputation, et complètement atypique. Peut-être le plus difficile qu’il m’ait été donné de faire, en concurrence avec un vieux Flying et quelques PPA. De gros points positifs comme la technicité, l’aspect tactique, le presque tout orientation, les paysages, l’alternance des épreuves, le plateau des athlètes, l’engagement des bénévoles, la qualité des cartes, la bouffe et la fiesta du samedi soir. Des bémols comme des infos parfois pas toujours assez claires ou manquantes pour les assistants (le samedi surtout), une dangerosité de certains passages (et que dire si il avait plu !), quelques sections inutiles (longs portages ou poussages VTT), un manque de cadeau pour l’assistant (seuls les 2 coureurs ont un présent alors que c’est une vraie équipe de 3 qui participe).

 

Presque la fin car se profile désormais la célèbre soirée d’après course du Gévau ! Nous sommes premiers à l’apéro (coeff 3), ce qui nous fait gagner 300 points bien virtuels. Celui-ci commencé à 20h30 perdure jusqu’à 22h30, heure du repas succulent à l’aligot-saucisse, pendant lequel les membres de l’asso redoublent d’imagination, d’anecdotes, de calembours et brèves de courses pour faire monter tour à tour toutes les équipes sur l’estrade, dans un show musical et festif qui nous amène au bout de la nuit… Les dernières onces d’énergies sont lâchées. Vaincus, nous battons en retraite en campagne lozérienne, sur les traces de la Bête, pour un repos de guerriers fourbus.

 
Un dernier mot pour remercier mon compagnon d’aventure. Merci Thierry pour m’avoir fait confiance sur cette course, avoir su accepter mes moments de faiblesse, avoir fait preuve de compassion, d’humour et de détermination. Bravo pour ta performance physique et ton esprit d’équipe. J’ai eu grand plaisir à défier ces chemins de sangliers avec toi. Emotions, sueur et sang partagés. Merci.

Merci enfin à Jean, notre équipier pendant 2,5 jours. Malgré ton stress de cette responsabilité tu as su faire preuve d’un professionnalisme remarquable. Aucune fausse note, aucune erreur, une aide et des mots si précieux pour nous. Te voilà toi aussi 22° de ton premier Gévaudathlon.
 

Allez zou, récup’ maintenant. Dans 2 semaines c’est notre 7° PPA, et j’en rêve déjà…

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